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Homosexualité en Thaïlande: un combat à demi-mot

Photo: Sulaiporn Chonwilai

Nikorn Arthit est président de la Bangkok Rainbow Organization (BRO). Il encourage notamment les jeunes homosexuels à être fiers de ce qu’ils sont. Pourtant, il n’a jamais annoncé à ses parents qu’il était gai. «J’imagine qu’ils le savent, ils m’ont vu à la télévision parler du droit des homosexuels.»

La situation de Nikorn peut paraître paradoxale. C’est là toute la subtilité du combat des gais en Thaïlande. Patrick Binot est un homosexuel originaire de Belgique qui habite en Thaïlande depuis 10 ans. S’il est d’accord pour dire que le pays accepte bien l’homosexualité, il précise qu’il ne fait pas référence au «paradis sexuel» auquel la Thaïlande est souvent associée. «Il faut arrêter de véhiculer cette image qui ne peut que faire du tort à ce pays très tolérant», dit cet homme qui enseigne le français à l’Université Srinakharinwirot de Bangkok.

Anjana Suvarnanda croit pour sa part que les gais sont surtout mal perçus s’ils ne fondent pas une famille. «La pression sociale n’est pas une punition aussi directe que la violence, mais cela reste une pression cons­tante», indique cette homosexuelle de 53 ans. Nikorn Arthit affirme d’ailleurs que cette pression est particulièrement importante dans les familles d’origine chinoise, qui ont beaucoup d’attentes envers leurs enfants.

La Thaïlande est cer­tainement le pays le plus ouvert de l’Asie en ce qui concerne les homosexuels et le troisième sexe, mais les Thaïs restent très imprégnés par la tradition. Un mariage gai serait impensable dans ce pays. La fa­mille représente le noyau de la société. «Il est important de fonder une famille, et la tradition doit être respectée par tous», explique M. Binot. En résu­mé, peu importe avec qui on partage son lit à l’occasion, il faut d’abord remplir son rôle social.

Ainsi, plusieurs hommes se marient et mènent une double vie. «BRO n’encourage pas cette pratique, car cela peut faire souffrir des gens», insiste Nikorn Arthit, qui a fait le choix audacieux d’habiter avec son copain. La pression sociale pèse particulièrement sur les fem­mes. «La difficulté pour les lesbiennes est que les femmes doivent être soumises et dociles», pense Anjana Suvarnanda. Ce sont elles qui tiennent le foyer. «Le machisme oriental a défini le rôle de la femme, ajoute Patrick Binot. Ici, il est plus facile pour l’homme de mener une double vie.»

Faire entendre sa voix

Anjana et Nikorn ne se sont pas contentés de vivre au-trement. Ils ont décidé de revendiquer des droits, ce qui n’est pas une mince affaire au pays du sourire. En Thaïlande, il est mal vu de hausser le ton et de parler de ses problèmes sur la place publique.

«Nous devons négocier une chose à la fois tout en évitant les confrontations, souligne Anjana, qui a fondé dans les années 1980 un groupe de soutien pour lesbiennes. Nous privilégions des campagnes colorées et amusantes pour ne pas choquer.» Anjana milite notamment contre la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et pour le mariage des couples de même sexe.

Même si le pays compte plusieurs bars gais, trois festivals de la fierté et un concours pour transgenres – Miss Tiffany Universe –, il est important de souligner que ces établissements et événements sont pour la plupart organisés par des expatriés. «Ils ont amené avec eux cette image clinquante de l’homosexualité pour le business et la pub», explique M. Binot, qui croit qu’il serait mal avisé d’importer les revendications et l’ac-tivisme à l’occidentale en Thaïlande.

Nikorn, lui, estime qu’une discussion sur l’ho­mosexualité avec ses pa­rents n’apporterait rien de plus. «Je ne me cache pas, je suis fier de ce que je suis», dit-il. S’affirmer par des actes tout en préservant l’équilibre et l’harmonie familiales est la voie qu’il privilégie.

Quelques dates

  • 2002. Depuis 2002, l’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie en Thaïlande.
  • 2005. Jusqu’en 2005, les transgenres étaient exemptés du service militaire sous prétexte qu’ils souffraient de troubles psychologiques. Cela restait inscrit à leur dossier, les suivait dans la société civile et compliquait leur recherche d’emploi. Depuis mars 2011, l’expression «type 2» est utilisée pour refuser les hommes avec des implants mammaires et «type 3» pour ceux qui ont changé de sexe.
  • 2007. La loi déclare qu’il est illégal de violer une personne. Auparavant, seul le viol des femmes était punissable.

Au pays de la catégorie

Petit lexique de la culture gaie thaïlandaise :

  • Katoey ou ladyboy : un homme habillé en femme.
  • MSM (man having sex with man) : un homosexuel qui ne s’habille pas en femme.
  • Tom (pour Tomboy) : une femme habillée en homme
  • Dee (pour Lady) : une lesbienne très féminine
  • LES : une lesbienne qui n’est ni Tom ni Dee

Lire aussi: Transgenres: Yollada est une (belle) femme

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