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Le fléau, c’est la transphobie

Judith Lussier

Demain, c’est la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie. Le 17 mai a été retenu par la Fondation Émergence pour souligner le retrait, en 1990, de l’homosexualité de la liste des maladies mentales de l’OMS. Ce n’est qu’en 2009 que la transphobie a été ajoutée au menu. La lutte est donc jeune, et il reste visiblement beaucoup à faire.

Comme le rapportait Le Devoir lundi, les personnes trans sont surreprésentées parmi les jeunes en situation d’itinérance. Les estimations varient, mais selon le Homeless Hub de Toronto, 40 % des jeunes en situation d’itinérance au Canada s’identifient comme LGBTQ2S. La moitié d’entre eux affirment s’être retrouvés à la rue en raison de mésententes avec les parents. À ce rejet familial s’ajoute parfois le rejet institutionnel, les ressources d’hébergement n’étant pas toujours adaptées aux réalités trans, lorsqu’elles ne refusent pas carrément ces personnes. Exclus, les jeunes trans choisissent parfois la rue plutôt qu’une ressource qui leur est hostile, ce qui complique leur processus de réinsertion, selon la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+.

Les personnes trans font davantage l’objet de harcèlement, de violence et d’intimidation. Elles gonflent aussi les statistiques de toxicomanie et d’idéations suicidaires. Selon une enquête pancanadienne réalisée par l’université de la Colombie-Britannique en 2015, près des deux tiers des jeunes trans ont eu des idées suicidaires sérieuses au cours de la dernière année, et plus d’un jeune trans sur trois âgé de 14 à 25 ans a tenté de mettre fin à ses jours. Ces statistiques sont sans équivalent dans le reste de la population générale.

Sans vouloir invalider la souffrance des personnes qui regrettent leur transition de genre, il y a lieu de questionner l’importance qu’on accorde à la détransition, un enjeu qui touche une infime partie d’un groupe déjà marginalisé.

L’un des facteurs les plus déterminants dans la santé et la sécurité des jeunes trans est le soutien parental. Or, près de 67 % de ces jeunes affirment ne pas se sentir soutenus par leurs parents, selon une étude de Trans PULSE, un projet de recherche communautaire basé en Ontario.

Lundi, Radio-Canada faisait paraître un long reportage sur le phénomène de détransition, une réalité que la journaliste reconnaissait être marginale. Sans vouloir invalider la souffrance des personnes qui regrettent leur transition de genre, il y a lieu de questionner l’importance qu’on accorde à cet enjeu qui touche une infime partie d’un groupe déjà marginalisé, et qui tend à renforcer, malgré toutes les précautions qu’on peut prendre, les préjugés les plus néfastes pour les personnes trans, dont la survie dépend souvent de cette transition.

Les transitions de genre, particulièrement chez les jeunes, font déjà l’objet d’une immense méfiance. On ne peut pas dire que les parents débordent d’enthousiasme à cette idée ou que les spécialistes distribuent des bloqueurs d’hormones comme des Smarties. Plus souvent qu’autrement, les jeunes qui questionnent leur genre restent incompris et ont peu de soutien. Il ne s’agit pas ici de nier le phénomène de détransition, mais de le mettre en perspective face au fléau plus grand que constitue la transphobie. La transphobie fait beaucoup plus de victimes, mais cela ne suscite pas autant de réactions que ces cas rares de détransition, qui frappent davantage l’imaginaire, probablement parce qu’ils semblent confirmer nos plus grandes inquiétudes.

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