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La mine d’or de la vente pyramidale

Online seller use mobile phone take a photo of product for upload to website online shop. Photo: Getty Images/iStockphoto

Elle est loin derrière, l’époque où la madame Avon venait sonner directement à notre porte pour laisser à ma mère le plus récent catalogue de produits et lui vanter les cadeaux exclusifs offerts avec la commande qu’elle viendrait lui livrer dans un sac en papier à sa prochaine visite. Avec le temps, la madame Avon s’est transformée en madame Mary Kay, puis en madame Arbonne, ou encore elle a décidé de perdre quelques livres et elle est devenue madame Visalus, ou madame Herbalife, ou madame Beachbody – et elle publie maintenant des photos de son shake de protéines quotidiennement sur Facebook et Instagram.

Les compagnies qui font de la vente pyramidale (ou du marketing de réseau, le terme politically correct et moins rebutant) ont mis la main sur une véritable mine d’or avec l’avènement des réseaux sociaux. Pour les représentants, fini la pratique du speech de vente dans le miroir, puis les heures de porte-à-porte pour le livrer aux clients potentiels du quartier en espérant qu’ils ne jettent pas directement leur carte d’affaires à la poubelle. Il suffit aujourd’hui d’un joli message générique, de la fonction copier-coller et de quelques émojis, puis le tour est joué.

Le bassin de clients et de représentants potentiels est infini grâce aux réseaux sociaux. Le concept de territoire n’existe plus. C’est la jungle et c’est insupportable. C’est insupportable parce qu’en 2001, quand madame Avon venait cogner à la porte et qu’on n’était pas intéressé, on lui disait une fois, peut-être deux… mais rarement une troisième fois. Elle était bien consciente que le temps c’est de l’argent et qu’elle perdrait fort probablement temps et argent en se déplaçant une fois de plus pour se faire dire non. Aujourd’hui, les madames Avon ou les madames Usana ou les madames Herbalife ne lâchent pas le morceau. Ça ne leur demande pas vraiment plus d’effort de te relancer régulièrement avec le message faussement gentil qu’elles copy paste à tout le monde, et ça ne leur coûte pas de kilométrage ni d’usure sur leur auto de cliquer j’aime sur toutes tes photos ou de te complimenter pour que tu finisses par leur ouvrir la porte. J’exagère à peine. J’ai lu dans le magazine Forbes plus tôt cette année une entrevue avec Carl Daikeler, le PDG de Beachbody, qui martèle fièrement à tous ses «coachs» la philosophie don’t take no for an answer. En gros: continuez de gosser les gens jusqu’à ce que vous réussissiez à leur mettre dans la tête qu’ils ont besoin de vidéos d’entraînement et de shakes de protéines.

Je suis du genre à prôner l’acceptation de soi, la diversité corporelle et la diversité alimentaire, alors j’ai été plutôt surprise ces derniers temps quand j’ai constaté qui étaient mes nouveaux abonnés Instagram. Des représentants/coachs de diverses compagnies qui font la promotion de la perte de poids se sont mis à me suivre, à raison d’un par jour au moins dans les dernières semaines. N’ayant aucun intérêt pour leurs produits, je les ai ignorés. J’ai été encore plus surprise quand les mêmes gens m’ont suivie à nouveau! J’ai compris ensuite qu’ils utilisent, pour la plupart, des applications leur permettant de cibler les comptes qui correspondent à leur clientèle idéale: femme, 25-40 ans, abonnée à des comptes de mode ou de beauté, par exemple. L’application les abonne automatiquement au compte d’une cliente cible puis, si la personne ne s’abonne pas en retour dans un laps de temps déterminé, l’application les désabonne… et le cycle recommence. Ça n’arrête jamais. J’en suis venue à bloquer systématiquement tous ces coachs et faux spécialistes du bien-être car je suis bien consciente de ce qu’ils veulent: me vendre des produits et/ou me faire vendre des produits pour récolter un profit.

Pour moi l’amitié ne découle pas d’une transaction, elle n’a pas de prix. Alors je doute fortement que ces gens veuillent devenir mes amis. Mais avec l’avènement des réseaux sociaux et le décuplement du besoin de validation, les madames Avon de 2018 se frottent les mains de satisfaction. C’est sur l’apaisement de la soif de likes de celles et ceux qui sont un peu trop naïfs pour comprendre leurs intentions qu’elles basent leur stratégie de vente. Et ça marche! Une vraie mine d’or.

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