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Cinq mythes sur l’immigration en France: différents contextes

Séjournant à Paris pour quelques mois, j’en profite pour prendre le pouls des débats sur l’immigration.

Le texte qui suit est basé sur des entretiens avec François Héran, récemment élu professeur au Collège de France et directeur du nouvel Institut sur les migrations.

Il existe en France, comme partout ailleurs, de nombreuses «idées reçues» (expression utilisée en France). Nous en présentons cinq.

1. «La France serait devenue un pays d’immigration massive.» Faux. C’est plutôt la stabilité dans les flux qui caractérise l’immigration en France, soit un total d’environ 200 000 par année depuis 2005. La proportion d’immigrés (terme utilisé en France) se situe autour de 10% de la population. L’immense majorité de l’immigration est reliée au droit à la réunification familiale. Il serait donc contraire au droit de vouloir réduire cette immigration.

2. «Il y a une invasion de réfugiés.» Faux. Entre 2014 et 2015, le poids démographique des réfugiés est de 0,1% en France, soit 9 fois moins que la Suède, 4 fois moins que l’Allemagne et 20 fois moins que la Hongrie. De plus, l’idée que ce soit du «jamais vu» est fausse, car selon Héran, la France a accueilli 700 000 Catalans en 1939, 70 000 «boat people» vietnamiens et cambodgiens à la fin des années 1970, sans compter les millions de rapatriés d’Algérie en 1962.

3. «Accueillir l’immigration, c’est accueillir la misère du monde.» Faux. Les immigrants sont majoritairement jeunes et instruits.

4. «L’immigration irrégulière est innombrable». Faux. Même si ce type d’immigration est difficile à estimer, François Héran estime à 400 000 le nombre de migrants irréguliers, ce qui correspondrait à 10% des étrangers et à 1% de la population totale. De plus, il faut souligner que la majorité des irréguliers sont entrés de façon régulière.

5. «La religion musulmane envahit la France.» Faux. Les estimations du nombre de musulmans en France varient entre 4 et 5 millions, ce qui représente entre 7 et 8% de la population totale. Ce nombre est basé sur l’appartenance religieuse, mais ne dit rien sur la pratique religieuse. Quand on demande aux musulmans «Quelle importance accordez-vous aujourd’hui à la religion dans votre vie?», 49% répondent «beaucoup», et 47% «assez» ou «peu». Ce profil de religiosité est très proche de celui des personnes se déclarant juives en France et est également proche du profil observé pour l’ensemble de la population aux États-Unis. Si on se base sur la pratique religieuse, on peut estimer la population musulmane à 3% de la population totale.

Les différences avec le contexte canadien et québécois sont frappantes. D’abord, l’idée d’invasion est omniprésente dans les débats, ce qui n’est pas le cas au Canada et au Québec. Ensuite, les débats sont extrêmement virulents et polarisés. Enfin, les «fausses idées» sont portées par des partis politiques d’extrême droite comme de droite, ce qui n’est pas (encore!) le cas au Canada ou au Québec.
(Pour en savoir plus, lire François Héran, Parlons immigration en 30 questions, La Documentation française, 2016.)

 

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