Journée internationale des droits des femmes: faisons face à la réalité de l’itinérance au féminin
La Journée internationale des droits des femmes est une occasion de célébrer les femmes que nous connaissons et admirons. Mais outre celles qui sont bien connues, nous devrions aussi reconnaître les luttes quotidiennes de milliers de femmes qui vivent l’itinérance.
La réalité de l’itinérance chez les femmes est largement sous-estimée. Contrairement à l’itinérance des hommes, généralement exposée au grand jour, celle des femmes se fait moins visible. Pour éviter la rue à tout prix, certaines femmes sans logement fixe adoptent des stratégies qui peuvent devenir toxiques, comme le « couchsurfing », qui consiste à dormir temporairement chez des proches. D’autres prennent des mesures parfois dangereuses, tout simplement pour avoir un toit.
Ces situations sont-elles acceptables?
L’itinérance chez les femmes est la pointe de l’iceberg de la pauvreté, souvent dû au manque de logement abordable et de la difficulté d’accéder à des services et à des soins de santé adaptés. Elle est le résultat de problèmes sociaux complexes que nous pouvons et devons surmonter ensemble, en tant que communauté.
L’inégalité, encore et toujours
Malgré les progrès réalisés, l’inégalité subsiste : les femmes sont plus susceptibles de connaître la pauvreté, comparativement aux hommes. Elles sont aussi plus nombreuses à occuper un emploi précaire. La situation est encore plus dramatique pour les femmes noires ou autochtones : le quart des femmes noires vivent sous le seuil de la pauvreté au Canada et les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les femmes en situation d’itinérance ou encore comme victime de criminalité.
De plus, quand vient le temps de chercher un logement, plusieurs femmes sont confrontées à la discrimination et au racisme. Des recherches ont démontré que les propriétaires sont plus réticents à louer un appartement à des mères célibataires, des femmes bénéficiant d’une aide financière ou des femmes autochtones. La discrimination vécue par ces femmes est donc bien réelle. Dans ces circonstances, la première solution à long terme pour les femmes en situation d’itinérance consiste à augmenter l’offre de logements abordables.
Une crise aggravée par la COVID-19
Avant même que la pandémie ne vienne accentuer le problème, les logements abordables se faisaient rares à Montréal, tout comme les solutions et les programmes d’hébergement destinés aux femmes sans-abri.
Pour respecter les directives de distanciation physique recommandées par la Direction de santé publique, les deux plus grandes ressources consacrées aux femmes en situation d’itinérance au Québec, le Pavillon Patricia Mackenzie de la Mission Old Brewery et Le Chaînon, ont dû réduire le nombre de lits ou modifier leur fonctionnement.
Des mesures d’urgence hivernales temporaires, comme l’accès à des chambres d’hôtel, ont été mises en place par le gouvernement. Ce filet de sécurité est indispensable, mais n’est pas une solution viable à long terme. Elles ne permettent pas de soutenir convenablement les femmes vivant des enjeux de santé mentale, de toxicomanie ou de violence.
Au nom des femmes, nous revendiquons l’accès à des espaces dignes et adaptés à leurs besoins. L’avenir n’est pas dans un abri, mais dans un vrai logement. Un chez-soi qui permet à chacune de se retrouver, jour après jour. Le logement est la première mesure sanitaire : plus durable et moins perméable qu’un masque!
La pandémie a créé des défis sans précédent. Et si ces défis représentaient également une occasion unique d’imaginer une société plus juste?
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous demandons à nos gouvernements de poser trois gestes significatifs, soit d’élargir la définition de l’itinérance pour y intégrer la notion d’itinérance cachée et ainsi tenir compte de la réalité des femmes, d’investir dans les modèles d’hébergement adaptés à la situation des femmes et de financer adéquatement les services qui leur sont destinés.
Face à l’ampleur de la crise sanitaire, soyons ambitieux et ne nous cachons pas derrière l’inévitable gestion de l’urgence. Prenons dès à présent les décisions d’un avenir meilleur, un Québec qui se donne les moyens d’éradiquer la pauvreté et de venir à bout de l’itinérance.
Ensemble, faisons du Québec un endroit où le logement n’est pas un privilège, mais un droit universel accessible à tous et à toutes!
Marie-Hélène Houle, l’Association d’entraide Le Chaînon
Florence Portes, Pavillon Patricia Mackenzie