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La croissance économique «verte» serait-elle une utopie?

Un cycliste passe devant un champ d'éoliennes géantes en Californie, symbole de la croissance économique verte
Le NPD et le BQ réclament des investissements en matière d'énergie renouvelable. Photo: Kevork Djansezian/Getty Images

Une croissance économique «verte» est-elle possible? La question refait surface alors qu’une étude met en doute la suffisance de miser sur des entreprises moins énergivores afin de réduire l’empreinte environnementale de notre société, relançant du même coup le débat sur le concept de la décroissance.

Dans le contexte de la crise du coronavirus, qui a fait chuter le PIB du Canada de 11,5% au deuxième trimestre, Ottawa a fait part de son intérêt de profiter de ce contexte pour stimuler une «relance verte».

A priori, l’idée de transformer notre économie en remplaçant des industries polluantes dans des secteurs traditionnels par des entreprises novatrices dans le secteur des services ou de l’innovation technologique apparaît comme une approche efficace pour stimuler l’économie tout en protégeant l’environnement. Il est vrai que les entreprises dans ces secteurs, plus modernes, produisent généralement moins de polluants que les industries manufacturières conventionnelles, par exemple.

Les secteurs de pointe occupent d’ailleurs une place de plus en plus importante dans notre économie. En Asie, les nouvelles technologies ont d’ailleurs occupé considérablement à la croissance économique de géants comme l’Inde et la Chine.

Des chercheurs de l’Université Concordia ont toutefois voulu questionner les bienfaits de cette relance verte dans une récente étude parue dans la revue académique Environmental Research Letters.

«Bien que nous reconnaissions la possibilité d’une croissance verte par la dématérialisation, il est tout aussi plausible que la croissance économique dépassera les réductions en intensité d’impact [sur l’environnement], menant à une augmentation des charges écologiques globales», soulèvent les chercheurs.

Une croissance qui «n’est pas durable»

Le hic, c’est les salaires élevés – et donc la consommation élevée – dans plusieurs industries dites vertes.

Dans le cadre de ce projet, le doctorant Horen Greenford et ses collègues ont décidé de comparer l’empreinte écologique d’entreprises généralement considérées comme ayant une empreinte écologique faible, comme celles spécialisées dans le secteur du logiciel, avec des compagnies jugées plus polluantes, notamment celles dans le milieu de la construction automobile.

Toutefois, au lieu de simplement analyser les impacts environnementaux des entreprises en soi, les chercheurs ont ajouté une nouvelle variable, soit celle de l’empreinte carbone reliée à la consommation des employés qui travaillent dans ces entreprises.

C’est alors qu’ils ont constaté que les entreprises généralement associées à une croissance économique verte peuvent avoir un impact environnemental tout aussi nuisible que celles dans des secteurs plus traditionnels. Une situation associée notamment au fait que les employés dans les secteurs de pointe et en administration bénéficient généralement d’un revenu élevé, ce qui les amène à consommer davantage que les employés des secteurs traditionnels. Leur empreinte environnementale est donc plus élevée que la moyenne, selon les chercheurs.

«Au final, la croissance verte n’est pas durable quand on analyse la preuve documentée», tranche Horen Greenford, en entrevue à Métro.

La décroissance

Les auteurs de l’étude estiment ainsi que notre société ne pourra se contenter de procéder à une transition vers une économie «basée sur les services» pour assurer la protection de l’environnement à long terme. Ils soulèvent plutôt l’hypothèse que «la réduction des dommages environnementaux» reliés à l’activité économique nécessitera des «changements fondamentaux» pour réduire la consommation et la production de polluants «dans tous les secteurs économiques».

«La consommation devrait diminuer de 40 à 50% afin que tout le monde ait la capacité de vivre bien sur la planète», estime M. Greenford, faisant ainsi écho au concept de la décroissance, auquel s’opposent plusieurs économistes.

«Essayez de vendre ça aux électeurs», rétorque le professeur au département d’économie appliquée à HEC Montréal, Germain Belzile.

«Si on réduit le PIB, on réduit les revenus des gens. Ce n’est pas une solution. La solution, c’est de continuer à accroître notre prospérité, mais en misant sur des solutions technologiques», dit-il.

Horen Greenford propose toutefois que la réduction de la taille de l’économie repose davantage sur les épaules des riches afin de réduire les inégalités sociales tout en assurant une meilleure protection de l’environnement.

«Si vous croyez que tout le monde doit avoir le droit à un niveau de consommation, bien à ce moment-là, les gens qui consomment trop devraient commencer à consommer moins pour laisser des ressources pour les autres personnes», estime-t-il.

«Il faut réduire la taille de l’économie à des niveaux raisonnables», conclut-il.

Taxes vertes

Tout en reconnaissant le rôle que peuvent jouer les nouvelles technologies dans la lutte contre les changements climatiques – notamment en facilitant le télétravail et l’utilisation d’énergies renouvelables – le responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace estime lui aussi que ce ne sera pas suffisant.

«Il faut consommer moins et consommer mieux. Sinon, c’est certain qu’on n’y arrivera pas», affirme Patrick Bonin. Afin de changer les comportements des citoyens et des entreprises, les autorités gouvernementales devraient selon lui miser sur la création de «taxes vertes» afin d’imposer un prix pour «la pollution générée». Une proposition qu’appuie M. Belzile.

«Il suffit qu’on crée des conditions propices à l’innovation, par exemple avec un prix sur le carbone, et il va y en avoir de l’innovation», souligne-t-il. L’expert affirme ainsi que de mesures écofiscales peuvent contribuer à inciter des entreprises à développer de nouveaux moyens pour réduire leur empreinte carbone.

La Ville de Montréal analyse d’ailleurs la possibilité de mettre en place certaines mesures écofiscales dans le cadre de la gestion de ses matières résiduelles. Il pourrait par exemple s’agir d’un système de tarification des déchets ou de l’eau. De telles «taxes vertes» ne verront toutefois pas le jour avant 2025 dans la métropole.

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