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Loterie et autres incitatifs à la vaccination: utiles ou contre-productifs?

Un travailleur du réseau de la santé prépare une dose de vaccin lors de la campagne de vaccination contre la COVID-19.
Photo: Josie Desmarais/Métro

Vendredi, le gouvernement Legault a annoncé la mise en place d’une loterie avec des prix allant jusqu’à 1 M$ pour les personnes ayant obtenu leur vaccin contre la COVID-19. Ce «loto-vaccin» suit une tendance, surtout aux États-Unis, à vouloir offrir des incitatifs à la vaccination, allant de la bière aux armes à feu. Cette méthode, bien intentionnée, pourrait toutefois être contre-productive selon une analyse publiée dans La Conversation.

Depuis quelques semaines, le gouvernement Legault multiplie les mesures pour convaincre les derniers récalcitrants à se faire vacciner. Surtout la tranche d’âge de 18 à 39 ans. En plus de la loterie, des hot-dogs gratuits ont été offerts aux partisans du Canadien réunis devant le Centre Bell. Le site a même été l’hôte d’une clinique de vaccination sans rendez-vous éphémère. Une option semblable était offerte à ceux visionnant les matchs au Stade olympique.

Nuire à la motivation «intrinsèque»

Selon Angela Sutan et Eli Spiegelman, professeurs à la Burgundy School of Business (anciennement l’École supérieure de commerce de Dijon-Bourgogne), les incitatifs de ce type pourraient nuire aux motivations des gens qui comptaient se faire vacciner sans attendre de «cadeau». Dans leurs mots, les incitatifs «extrinsèques» nuiraient aux motivations «intrinsèques» à la vaccination.

Dans un texte axé sur la situation en France, ils soulignent que les échanges transactionnels de ce type risquent de ne pas fonctionner dans des endroits où les citoyens n’ont pas l’habitude de payer pour les services de santé. Comme en France et au Québec, qui ont des systèmes de santé publics universels.

«Premièrement, pour qu’une incitation extrinsèque fonctionne, elle doit agir sur un marché au sein duquel les transactions de type monétaire sont courantes. Le marché de la santé aux États-Unis est un marché monétisé. Puisque les individus y ont l’habitude de payer pour les services de santé, ils trouveraient normal que, pour certaines transactions, ils puissent bénéficier d’une réduction de prix, voire d’un gain monétaire», écrivent-ils.

Tout le contraire de la France, disent-ils. Et par extension, du Québec. Dans ce cadre, introduire des motivations extrinsèques pourrait être vu comme «immoral».

L’ajout d’un incitatif externe pourrait aussi miner la force des motivations «intrinsèques» des citoyens.

«Il a en effet été abondamment démontré que les individus perçoivent la mise en place d’un prix ou d’une récompense comme un signal qu’une motivation extrinsèque serait nécessaire, donc que leur motivation intrinsèque n’aurait pas lieu d’exister. Autrement dit, si le gouvernement est obligé de me payer pour me faire agir ainsi, c’est que je n’avais pas raison de le faire en absence de cette récompense externe, ou qu’alors le gouvernement a quelque chose à cacher», écrivent les professeurs Sutan et Spiegelman.

À cela s’ajouterait «une forme d’injustice pour ceux qui, sans incitation, ont déjà fait le choix de se faire vacciner».

Au Québec, soulignons que le «loto-vaccin» est ouvert à tous ceux ayant reçu le vaccin, qu’ils soient vaccinés depuis longtemps ou depuis peu.

D’autres encore pourraient décider de se faire vacciner plus tard, et non plus tôt. «Pour quelle raison irais-je me faire vacciner maintenant lorsque je vois justement que de plus en plus d’incitations sont mises en place ? Il semble qu’il vaille mieux attendre, un plus beau cadeau pourrait apparaître quand le gouvernement sera vraiment désespéré», écrivent les professeurs.

Se faire donner automatiquement un rendez-vous?

Angela Sutan et Eli Spiegelman proposent un système de «opt-out» à l’ensemble d’un pays. Ainsi, les citoyens recevraient un rendez-vous sans même en faire la demande. Ils auraient toutefois l’option de se désinscrire.

Ils citent une recherche de l’Université Rutgers, aux États-Unis, qui montre que le «opt-out» fonctionne mieux qu’un appel à s’inscrire soi-même à la vaccination.

«Un sous-groupe des employés a reçu un mail indiquant une heure, une date et un lieu pour se faire vacciner, avec toutefois une option pour annuler le rendez-vous ou en poser un autre – on parle d’une condition « opt-out ». Les autres ont reçu la condition « opt-in », leur demandant de fixer leur propre rendez-vous. Seule la moitié de ce second groupe est passée à l’action quand le taux de vaccination est monté à 92 % dans le premier», lit-on dans le texte de La Conversation.

Sutan et Spiegelman soulignent toutefois la difficulté à instaurer un tel système au niveau national.

Réticence en baisse

Par ailleurs, la réticence au vaccin semble être en baisse au Québec depuis quelques semaines. Avant l’annonce de la loterie, le nombre de personnes se disant réticentes a baissé de 15% à seulement 6%, selon le sondage le plus récent de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ).

Les données quotidiennes de l’INSPQ sur la vaccination montrent aussi une augmentation sensible du nombre de doses administrées aux personnes de 18 à 39 ans à partir de la fin du mois de juin. L’augmentation est encore plus forte depuis le 7 juillet.

Le 8 juillet, le gouvernement a annoncé qu’il mettrait en place un «passeport vaccinal» en septembre si la situation pandémique s’aggrave. La rumeur d’un tel passeport circulait toutefois depuis quelques jours déjà.

Le passeport, utilisé en lieu et place d’un confinement, interdirait l’accès à plusieurs services non-essentiels aux personnes qui ne sont pas pleinement vaccinées.

Les adultes de 18 à 29 ans et de 30 à 39 ans sont les deux seuls groupes d’âge qui n’ont pas encore atteint l’objectif de 75% de vaccination pour la première dose. Vendredi, les trentenaires arrivaient enfin tout près du but (74%) alors que les vingtenaires dépassaient 2000 premières doses pour la deuxième journée consécutive.

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