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«Convoi pour la liberté»: les femmes dans le mouvement

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Une camionneuse à Québec. Photo: Josie Desmarais / Métro

Comme dans plusieurs mouvements sociaux, les femmes occupent un rôle de second plan dans le «convoi pour la liberté», ce mouvement s’opposant à la vaccination et aux mesures sanitaires, majoritairement porté par des hommes camionneurs. 

Afin de démontrer leur opposition à la vaccination obligatoire contre la COVID-19 pour tous les camionneurs qui rentrent des États-Unis au Canada et aux mesures sanitaires en général, des Canadiens occupent la capitale du pays, Ottawa, depuis une semaine. Certains sont maintenant à Québec pour envoyer leur message au premier ministre de la province, François Legault.

Bien que le mouvement soit maintenant assez hétérogène puisqu’il réunit différentes strates de la population, il flirte toutefois dangereusement avec l’extrême droite et le suprémacisme blanc. 

«C’est surtout des antivax auxquels se sont greffés des militants d’extrême droite, parce qu’ils ont vu une fenêtre d’opportunité dans ce mouvement pour se faire entendre», explique la doctorante en science politique Héloïse Michaud. Elle étudie l’implication des femmes dans les mouvements sociaux, notamment ceux antiféministes.

En effet, des symboles haineux, comme des drapeaux nazis et des drapeaux confédérés, ont flotté dans les rues d’Ottawa. Des pancartes racistes, misogynes et autrement haineuses ont aussi été brandies fièrement.

Un rôle traditionnel

Si on compte des femmes parmi les manifestants du convoi, certaines d’entre elles sont relayées à un rôle plutôt secondaire. On a notamment pu apercevoir sur les réseaux sociaux un groupe de Canadiennes chanter l’hymne national tout en préparant des sandwichs pour les camionneurs.

Les images ont choqué Héloïse Michaud, mais elles ne l’ont toutefois pas surprise, considérant les affiliations de certains supporters à l’extrême droite. 

Traditionnellement, l’extrême droite est antiféministe. Ça veut dire qu’elle va valoriser les rôles genrés traditionnels et la division stricte des sphères. Donc division de la sphère privée, traditionnellement occupée par les femmes, et la sphère publique, occupée par les hommes.

Héloïse Michaud

C’est aussi l’avis de la professeure à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) Martine Delvaux. «Les mouvements de droite et suprématistes sont plus à même de reconduire une figure de femme traditionnelle», souligne-t-elle.

D’ailleurs, les mouvements sociaux, peu importe leur place sur l’échelle des positions politiques, tendent à reconduire la place traditionnelle des femmes et des filles dans le «care» et «les soins», indique Mme Delvaux.

Selon elle, c’était le cas lors des manifestations de Mai 68 en France, pendant la crise d’Octobre au Québec et même, plus récemment, dans le mouvement environnemental des jeunes. «Donc je ne suis pas étonnée que ce soit le cas pour les camionneurs, qui plus est sont majoritairement des hommes», ajoute-t-elle. 

En 2018, l’industrie du camionnage comptait 4% de femmes.

Un rôle de second plan? 

C’est ce qui peut expliquer que les manifestants se retrouvent davantage au front que les manifestantes. «C’est souvent eux qu’on va voir et qui vont être médiatisés», explique Héloïse Michaud.

La doctorante cite en exemple la manifestation «Unite the Right» à Charlottesville, une série de rassemblements de l’extrême droite américaine organisée en 2017 dans la ville américaine. 

On avait l’impression que c’était que des hommes qui participaient à cette manifestation, mais ce n’est pas vrai. Les femmes y participent aussi, c’est juste qu’elles ne sont pas souvent à l’avant-plan, elles sont plus à l’arrière-plan. Elles y contribuent, mais d’une autre façon.

Héloïse Michaud

Elle mentionne également que l’extrême droite peut recruter des femmes dans le but de les mettre en avant et ainsi de se donner une image plus modérée. 

Moins de temps pour manifester

Considérant que la pandémie touche disproportionnellement les femmes, comment expliquer que ce ne sont pas elles qui sont à l’avant-plan du mouvement contre les mesures sanitaires? Outre Isabelle Caty et Lucie Laurier, les figures marquantes sont surtout masculines au Québec.

Et lorsque le gouvernement a voulu imposer la vaccination aux infirmières, pourquoi ces dernières n’ont-elles pas pris d’assaut les rues comme l’ont fait les camionneurs? Elles ont plutôt fait appel aux tribunaux avant que le gouvernement ne recule sur sa position.

«Les infirmières n’ont clairement pas autant de temps, parce que c’est elles qui sont au front dans les hôpitaux et dans les CHSLD. Elles sont à la maison en plus, donc elles sont occupées toute la journée en travaillant, à la fois, dans la sphère publique et dans la sphère privée», explique Héloïse Michaud.

Étant donné qu’elles sont davantage exposées au risque d’attraper la COVID-19, les femmes peuvent aussi tomber malades, ce qui les empêche d’aller manifester, ajoute-t-elle. 

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