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Les 1000 vies de Simon Jolin-Barrette

CHRONIQUE – L’actuel ministre de la Justice se veut, probablement malgré lui, un habitué de cette chronique. Pour les mauvaises raisons, d’ordinaire. Parce que depuis son entrée au Conseil des ministres, Simon Jolin-Barrette multiplie les coups d’éclat… dans le mauvais sens du terme. Chanceux, la technicité des bourdes commises – imperceptibles aux yeux de plusieurs – lui garantit d’ordinaire une clémence quasi absolue.  

Me souviens d’un lunch avec un ami, alors employé du gouvernement Legault, à l’aurore de l’adoption de la Loi 21. Alors que je dressais, impatient, la liste des erreurs fondamentales en droit, le pote réplique, stoïque : 

  • Bah, ce sont des erreurs de jeunesse. Et les trucs de droit, tout le monde s’en fiche. Et il a le temps de se « refaire » mille fois, avant une course à la chefferie. 
  • Attends, tu crois qu’il vise le leadership? 
  • Officiel. Tout le monde est au courant. Sauf toi, apparemment.  

Ceci m’apparaissait, à l’époque, invraisemblable. Parce que si j’ignore les qualités personnelles ou l’intelligence émotionnelle de SJB – peut-être qu’il y excelle – je vois mal comment un ministre multipliant les gaffes conceptuelles puisse, un jour, aspirer au job ultime. J’insiste ici sur le mot « conceptuel », à la racine du problème en cause. Symptomatique, en fait, de cette ère de néo-populisme, où l’irrespect des institutions l’emporte trop aisément sur la valorisation des fondements et autres pierres angulaires de nos démocraties, comme la séparation des pouvoirs et le respect des libertés publiques, notamment.  

On se rappelle, entre autres, la fois où il qualifiait de « saugrenu » un recours intenté en Cour supérieure visant à l’empêcher de déchiqueter 18 000 dossiers d’immigration, le tout en vertu d’une loi… non encore adoptée. 

La fois où il jeta aux orties et sans motif l’excellent Programme expérience Québec, heureusement remis sur les rails depuis par la ministre Fréchette.  

La fois où il proposa un absurde et arbitraire test des valeurs, par définition contraire aux chartes. 

La fois où il amenda celle du Québec sous bâillon et donc sans l’unanimité de l’Assemblée nationale, une première dans notre histoire collective.  

La fois où il suspendu dans la Loi 21 et la Loi 96 la totalité des droits prévus aux deux chartes, sans explication ou motif, permettant notamment, dans le deuxième cas, la fouille et perquisition sans mandat judiciaire préalable.  

La fois où il se refusa de considérer les garanties d’indépendance de la magistrature les plus élémentaires, en livrant une lutte futile et sans merci à la juge en chef de la Cour du Québec, tant à ce qui a trait au bilinguisme, au tribunal spécialisé en matière de crime de nature sexuelle, et aux nominations de manière générale. Il fallut, d’ailleurs, l’intervention de la Cour supérieure afin de ramener, une fois de plus, le ministre à l’ordre : la séparation des pouvoirs se doit d’être respectée en tout temps, ne lui en déplaise.  

La fois où ce qui précède a dû obliger l’intervention d’un médiateur dans son conflit larvé avec la magistrature, là aussi une première de l’histoire québécoise. Or, quelques jours à peine après un règlement des divers litiges les opposant, Jolin-Barrette se précipita afin de déposer un nouveau projet de loi assujettissant le budget du Conseil de la magistrature au…vote des élus. Comme disait feu mon grand-père : ça comprend ni du c…., ni de la tête.  

Un dossier lourd, chargé, qui aurait amené la démission forcée de ministre des gouvernements précédents, probablement. Mais pas SJB. Fort de l’appui manifeste de François Legault et sa garde rapprochée, le ministre-récidiviste pousse maintenant non plus le bouchon de l’égo-incompétence, mais celui du népotisme : après l’annulation de cinq concours afférents, chose rarissime, il ose l’outrecuidance de nommer, dans le district de Baie-Comeau, un candidat de… la Montérégie, là où se trouve son comté. Mieux : la sélection de son copain de faculté, dont il célébra le mariage, sans mention de son conflit d’intérêts à ses collègues ministres.   

À force de tremper les institutions québécoises dans les bas-fonds d’un populisme exécrable, les paradigmes sur lesquels reposent nos vies démocratiques risquent d’être éclaboussés, et ce, pour un bout de temps. Et comme disait Lord Acton : le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu, corrompt absolument.  

Twitter de Frédéric Bérard

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