Montréal est-elle dangereuse pour les piétons?
Un automobiliste entrait en collision avec un piéton tous les 1500 mètres à Montréal sur la période allant de 2019 à 2021. Alors que les victimes de la route dans la métropole font régulièrement les manchettes, on se pose la question: Montréal est-elle une ville particulièrement dangereuse pour les piétons?
Si aucune ville québécoise ne peut se comparer à Montréal sur le plan de la taille et de l’achalandage, on note que le nombre de décès de piétons sur la route pour 100 000 habitants est de 0,73 à Québec, et de 1,16 à Montréal. Derrière ce chiffre se cachent plusieurs phénomènes caractéristiques de la métropole québécoise, comme la quantité de voitures qu’on y trouve.
Dans une ville comme Montréal, où le nombre de véhicules ne cesse d’augmenter, «il y a plus de probabilités de collisions», explique Marie-Soleil Cloutier, directrice du Laboratoire piétons et espace urbain à l’INRS.
Statistique Canada observe cette hausse à l’échelle du pays. Le nombre de véhicules neufs immatriculés a augmenté de 6,5% de 2020 à 2021, et cette croissance s’observe depuis plusieurs années.
La densité des déplacements est une autre variable importante. «À Montréal, on a un grand nombre de voitures qui font du transit, qui traversent l’île pour aller du nord au sud de la province, mais aussi pour se rendre au travail en ville», souligne Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec.
Sur la carte ci-dessous, on peut voir tous les endroits où un piéton a été percuté par un véhicule ces trois dernières années. (En cas de problème d’affichage, cliquez ici.)
Il n’existe pas de données disponibles sur la part modale de la marche dans les déplacements, le nombre de kilomètres parcourus en moyenne et le nombre de piétons présents sur les routes. Il est donc impossible de dresser un portrait du danger piétonnier suffisamment précis, regrettent des expertes de la sécurité routière interrogées par Métro.
Malgré cela, on sait qu’il y a une densité de population beaucoup plus importante dans la métropole, et que cette densité urbaine s’accompagne d’un fort taux de déplacements à pied, fait valoir Marie-Soleil Cloutier.
Les milieux plus urbains sont plus à risque en raison de la cohabitation entre divers usagers. Le centre-ville de Montréal étant plus dense que le centre-ville de Québec, il y a une surexposition au risque.
Mario Vaillancourt, relationniste à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ)
«Québec est une des villes avec le plus d’autoroutes par habitant. Mais il y a plus de volume de circulation à Montréal sur les grandes artères et le réseau routier de la ville», souligne Mme Cabana-Degani. Or, «on sait que les intersections d’artères sont les plus accidentogènes pour les piétons».
Et par rapport à Toronto et Vancouver?
Si on ne peut pas reconstruire Montréal au complet en peu de temps pour mieux protéger les piétons, des initiatives mises en oeuvre dans certains arrondissements ont déjà commencé à porter fruit. Sécurisation aux abords des écoles, programme de rues piétonnes partagées… «On y va un quartier à la fois, mais au final, en additionnant à travers les années, on se rend compte que des quartiers au complet ont changé de visage», explique la spécialiste en sécurité routière.
Par exemple, des études ont prouvé l’impact majeur qu’ont les feux à intervalle de priorité aux piétons sur la sécurité de ceux-ci. Ces aménagements, de plus en plus fréquents à Montréal, réservent 5 à 7 secondes en début de feu à la traversée des piétons et favorisent ainsi leur sécurité aux intersections.
En Amérique du Nord, on n’est pas les pires, mais on n’est pas les meilleurs non plus.
Marie-Soleil Cloutier, directrice du Laboratoire piétons et espace urbain à l’INRS
Si on compare la métropole québécoise à d’autres villes canadiennes, on note que Toronto et Montréal sont au coude-à-coude en matière de dangerosité pour les piétons. Mais Vancouver fait mieux, notamment en raison d’un urbanisme plus sécuritaire. Par rapport à celle-ci, Marie-Soleil Cloutier estime qu’on a «du rattrapage à faire».
Cela passera par le réaménagement des intersections, notamment sur les artères, mais aussi par un renforcement des options de transports collectifs. Il faudrait également réduire l’espace réservé aux voitures (plus de 80% de l’aire publique de Montréal) pour le consacrer aux autres usagers. Mais cela prendra inévitablement un changement de culture, affirment les experts de la sécurité routière.