Comment les millions de Bloomberg pourraient affecter la campagne en Floride

L'ancien candidat démocrate Michael Bloomberg le 5 février 2020 Photo: David Goldman/AP Photo
Alexandra Jaffe et Brian Slodysko - The Associated Press

WASHINGTON — Quand le milliardaire Mike Bloomberg a mis fin à sa campagne présidentielle en mars, il a promis de «dépenser tout ce qu’il faudrait» pour aider les démocrates à battre le président Donald Trump.

Moins de deux mois avant le vote, il passe finalement de la parole aux actes.

Questionné quant à savoir à quel moment son engagement se concrétiserait, M. Bloomberg a annoncé en fin de semaine qu’il dépenserait 100 millions $ US de sa fortune en appui à Joe Biden, et ce seulement en Floride.

Cette somme colossale, qui est similaire à ce que M. Bloomberg avait dépensé pour aider les démocrates à reprendre le contrôle de la Chambre des représentants en 2018, pourrait placer M. Trump sur la défensive dans un État dont il a absolument besoin pour être réélu.

Des bienfaiteurs milliardaires jouent depuis longtemps un rôle de premier plan en appui aux deux partis. Mais personne n’avait jusqu’à présent proposé d’injecter autant d’argent pour épauler une campagne présidentielle dans un seul État. Les proches de M. Bloomberg expliquent que cet investissement s’inscrit dans la logique de sa stratégie en affaires et en politique: d’y aller de l’investissement ayant le plus grand impact, en fonction des meilleures données, au bon moment.

«Mike Bloomberg est un joueur de premier trio, a dit Michael Nutter, l’ancien maire de Philadelphie qui avait co-présidé la campagne présidentielle de M. Bloomberg. Il examine l’ensemble de la situation. Il récolte des données. Il examine les faits, fait une analyse et détermine où il peut avoir un impact pour influencer l’issue de l’élection. C’est pour ça qu’il a décidé d’investir aussi lourdement en Floride.»

Les conseillers de M. Bloomberg expliquent que son investissement en Floride offre de multiples avantages aux démocrates: il libère des fonds démocrates, permettant à la campagne et à ses alliés de se concentrer sur les États en jeu; il impose aux républicains de dépenser plus en Floride pour combler l’écart; et une victoire convaincante de M. Biden en Floride pourrait refroidir les ardeurs de M. Trump d’éventuellement contester le résultat du scrutin.

Les responsables électoraux de la Floride peuvent commencer à comptabiliser les votes par anticipation plusieurs semaines avant le jour de l’élection. Ils peuvent donc typiquement annoncer ces résultats — qui penchent habituellement en faveur des démocrates — le soir même du vote. Et comme M. Trump a vanté le système de vote postal de la Floride, il pourrait difficilement argumenter contre une victoire de M. Biden dans cet État.

«Ce serait très important pour la démocratie, en cas de victoire de M. Biden, de pouvoir dire dès le soir de l’élection que nous avons décroché la Floride», a estimé un conseiller de longue date du candidat démocrate, Kevin Sheekey.

Mais l’aide de M. Bloomberg ne s’imbrique pas nécessairement facilement dans le puzzle de la campagne démocrate. L’ancien maire de New York s’est promené d’un parti à l’autre au fil des ans et il n’a eu aucune affiliation politique officielle entre 2007 et l’an dernier, quand il a de nouveau rejoint les rangs démocrates.

Les démocrates ont apprécié son aide lors des élections de mi-mandat et en appui au contrôle des armes à feu. Sa réputation a toutefois été malmenée pendant sa campagne présidentielle, quand on lui a reproché son traitement des femmes et des Noirs. On l’a aussi accusé de profiter de sa fortune pour acheter la Maison-Blanche.

Même après avoir dépensé 1 milliard $ US pour sa campagne, M. Bloomberg n’a remporté qu’une seule élection primaire, celle de la Samoa américaine.

Après la fin de sa campagne, il a remercié des employés à qui il avait promis du boulot jusqu’en novembre, ce qui lui a valu de nouveaux reproches. Puis, après qu’il eut tout d’abord remis les 18 millions $ US qui restaient dans les coffres de sa campagne au Comité national démocrate, plusieurs leaders du parti se sont demandés s’il avait vraiment l’intention de concrétiser sa promesse d’un investissement majeur, au fur et à mesure que les semaines s’égrenaient.

Son annonce floridienne fait taire certains de ses détracteurs, mais d’autres se demandent pourquoi il a attendu si tard pendant la course pour s’impliquer.

«Ce gars-là a un égo aussi gros que celui de n’importe qui d’autre. Il a eu besoin d’un moment pour laisser guérir ses meurtrissures», a dit John Morgan, un avocat floridien qui récolte des fonds pour les démocrates.

M. Morgan estime néanmoins que M. Bloomberg a l’occasion de «passer un knockout» à M. Trump si M. Biden remporte la Floride.

L’équipe de M. Bloomberg affirme qu’il a dépensé 275 millions $ US de sa fortune en publicités anti-Trump depuis le début de sa propre campagne. Et au-delà de la Floride, poursuit-on, il compte parmi les principaux bienfaiteurs du Parti démocrate.

Il a donné 500 000 $ US à Voto Latino pour aider à inscrire les électeurs latinos, 2 millions $ US au groupe Collective Future pour faire de même avec les électeurs noirs et 2 millions $ US à Swing Left, un groupe qui vise à faire élire des démocrates dans les districts en jeu.

Un groupe qu’il a financé et continue à financer, Everytown for Gun Safety, s’est engagé à dépenser 60 millions $ US pendant la campagne, et M. Bloomberg a promis 60 millions $ US de plus pour aider les démocrates qui briguent un siège à la Chambre des représentants. Il a déjà versé 11,4 millions $ US à un groupe qui aide ces mêmes candidats démocrates.

M. Bloomberg a aussi investi 35 millions $ US dans Hawkfish, qu’il a crée pour combattre la gigantesque organisation numérique de M. Trump. Hawkfish collabore avec les démocrates pour les aider à cibler leurs opérations.

Et si M. Bloomberg n’a encore rien annoncé pour aider les démocrates à être élus au Sénat, M. Nutter rappelle que la campagne n’est pas terminée et qu’on continue à examiner les données.

«Il y a plusieurs choses qui sont à l’étude en ce moment», a-t-il dit.

Les conseillers de M. Bloomberg disent qu’ils sont encore à peaufiner comment l’argent sera dépensé en Floride. Une bonne partie sera consacrée aux publicités télévisuelles et en ligne, ainsi qu’aux efforts pour s’assurer que les Latinos iront voter. On aidera aussi les groupes qui disposent déjà d’une infrastructure et Hawkfish contribuera à plusieurs décisions, notamment concernant l’éducation des électeurs au sujet du vote postal.

Cet investissement aidera également M. Biden à affronter des problèmes inattendus en Floride. Plusieurs estiment que le candidat démocrate — qui a visité l’État mardi, pour la première fois depuis sa nomination — n’a pas été suffisamment proactif pour mobiliser les électeurs latinos, notamment.

«La course est plus serrée, a admis Manny Diaz, l’ancien maire de Miami qui conseille le nouvel effort de M. Bloomberg en Floride. On constate un resserrement parce qu’il y a un vacuum en ce moment. Et ce sera important de remplir ce vacuum au cours des 50 ou 60 prochains jours.»

Et si les démocrates hésitent à cogner aux portes en raison de la pandémie, une partie de l’argent finira par rejoindre des groupes qui, eux, passent de maison en maison.

«Les gens aiment voir qu’il y a de l’engouement, a dit M. Diaz. À partir d’un certain moment, la télévision ne devient que du bruit.»

Alexandra Jaffe et Brian Slodysko, The Associated Press

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