Sport… et publicité
Le Super Bowl est sans doute le seul événement que les gens regardent autant pour les publicités que pour l’événement lui-même : songez à tous ceux qui, au Canada, se désolent de ne pas avoir accès aux pubs américaines lors de la diffusion du match.
Et ce, même si on peut ensuite voir toutes ces publicités sur l’internet. Même avant la diffusion du match : cette année, on peut déjà voir, entre autres, le message de Volkswagen, qui, après son immense succès de l’an dernier, revient avec une autre pub inspirée par Star Wars, celle de Honda qui ramène Mathew Broderick en Ferris Bueller, 26 ans plus tard, et celles de GoDaddy.co, un habitué du SuperBowl.
Ce qui a amené le Super Bowl à ce statut de méga-événement publicitaire se résume en un mot : rareté. Le Super Bowl attire de 80 à 100 millions de téléspectateurs (le Super Bowl 2011 a battu un record, avec 111 millions). À la télé américaine, on ne trouve rien qui puisse même approcher de telles cotes d’écoute.
Les téléspectateurs se sont éparpillés, avec la multiplication des chaînes spécialisées, puis celle des plateformes : enregistreurs numériques personnels, télé à la demande, diffusion internet, etc. Le Super Bowl est donc unique en son genre, et le diffuseur peut exiger le prix fort pour le temps d’antenne publicitaire. Cette année, 30 secondes sur NBC pendant le Super Bowl coûtent 3,5 M$.
Après avoir déboursé de telles sommes pour le temps d’antenne, les annonceurs tâchent de l’utiliser au maximum, et le Super Bowl est devenu une sorte de festival de la publicité : c’est souvent l’occasion de lancer de nouvelles campagnes, et parfois de nouveaux produits.
Ainsi, c’est au Super Bowl qu’Apple a diffusé son fameux message «1984», qui annonçait la venue prochaine du MacIntosh, et, en 1997, qu’il a lancé sa campagne «Think Different». Les pubs du Super Bowl se sont mises à faire l’objet de nombreux commentaires et spéculations : quels annonceurs seront là, qui sera absent? À quel moment dans le match verra-t-on telle ou telle publicité? Quels seront les messages les plus drôles? Les plus «cutes»? Les plus spectaculaires?
L’engouement est tel que bien des téléspectateurs canadiens se sentent frustrés de ne pas voir les pubs en question. En effet, au Canada, le diffuseur opère ce qu’on appelle la «substitution de signal» : quand une émission américaine est diffusée ici au même moment par une chaîne canadienne, le seul signal accessible est le signal canadien, afin de garantir aux annonceurs canadiens que leurs pubs récolteront tout l’auditoire disponible.
Donc, même si vous synthonisez le réseau américain NBC sur votre télévision, c’est quand même le signal de CTV que vous capterez… avec les publicités canadiennes pendant les pauses. Même l’échappatoire qui existait encore il y a deux ans avec les services HD numériques a maintenant disparu.
Sur l’internet, ceci dit, on peut désormais voir toutes ces pubs américaines. D’ailleurs, les meilleures pubs du Super Bowl, désormais… sont surtout vues ailleurs qu’au Super Bowl. Et, c’est particulièrement frappant cette année, beaucoup sont même présentées avant. En plus de celles déjà mentionnées, on voit aussi circuler des pubs pour Pepsi Max, Audi, Suzuki… Et de plus en plus, l’internet fait partie des stratégies. Par exemple, Coca-Cola y sera avec ses ours polaires, qui apparaîtront dans des messages télé, mais invitent aussi les téléspectateurs à joindre, sur l’internet, leur «party du Super Bowl» à eux. Et Doritos, depuis quelques années, invite les membres du public à soumettre des pubs, puis laisse le public, via l’internet, choisir celle qui, parmi les finalistes, sera diffusée au Super Bowl.
Il y a quelques années, beaucoup croyaient que l’internet ferait mourir la publicité télévisée. Avec de tels phénomènes, on voit aussi comment l’internet et la télévision peuvent se nourrir mutuellement, et comment l’internet, loin de réduire l’intérêt pour la publicité télé, peut parfois lui donner un second souffle.