Piégé dans son cocon
Êtes-vous de ceux et celles qui fréquentent de moins en moins les salles de cinéma? C’est fort possible : en 2016 au Québec, le nombre d’entrées a plongé d’un autre 7 %. Voilà une tendance qui se maintient, comme aurait dit Bernard Derome. Et tout indique que cette irrésistible glissade se poursuivra jusqu’au jour où les salles de cinéma seront réduites au rang de boutiques pour initiés. Ce qui est bien triste pour ceux et celles qui, comme moi, ont grandi en rêvant de belles vues projetées sur de grandes toiles.
Au moment où je cherchais LA principale raison pour laquelle les gens vont de moins en moins au cinéma, je me suis rendu compte que ça faisait exactement 30 ans cette année que la prévisionniste-tendance (!) Faith Popcorn – je l’avais complètement oubliée, celle-là… – nous rentrait le concept du cocooning dans le fond de la gorge. À l’époque, cet appel à la simplicité et aux retrouvailles de son moi profond dans son chez-soi douillet avait de quoi séduire. Juste à entendre le mot «cocooning», et l’odeur de la soupe chaude nous montait instantanément aux narines. Pas de farce, suffisait de dire le mot magique, et l’univers nous apparaissait bordé par un gigantesque édredon. L’idée était simple : pourquoi donc aller chercher ailleurs le bonheur qui traîne pourtant là, à portée de bras.
Le cocooning était une option, une réplique aux agressions ambiantes. C’était au temps où l’ordinateur personnel existait à peine, où l’internet appartenait à l’univers de Star Trek, l’équivalent de YouTube consistait en une grosse pile de cassettes VHS et où le téléphone «portable» était de format béluga. Et la seule chose qu’on pouvait faire avec, c’était appeler un autre humain. Rien de plus. Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…
Ce que madame Popcorn-la-prévisionniste n’avait pas prévu, c’est qu’un jour, le cocooning ne serait plus une question de choix, mais plutôt une chose qui irait de soi. Que notre refuge confortable deviendrait, sans qu’on ne s’en rende compte, une prison d’office. À quoi bon partager un territoire si tu peux l’avoir à toi tout seul?
C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on watche nos films sur un écran de 60 po dans notre salon, ou sur notre iPhone en prenant notre bain. Et qu’on fait généralement ça tout seul comme un grand.
Madame Popcorn n’avait pas prévu que, dans nos cocons, notre édredon allait nous isoler autant.
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Vu : la reprise de la pièce J’accuse de l’auteure Annick Lefebvre au Théâtre d’Aujourd’hui. BANG! Cinq monologues puissants qui vous tapent en pleine gueule. Impossible de rester indifférent après avoir vu ce show. Tout à fait impossible. À la fois sombre et brillant. Faites vite, c’est à l’affiche jusqu’à samedi, et les billets sont rares.
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Coudon, c’tu moi ou Le Challenge Hockey RDS où l’on nous montre des joueurs de hockey professionnels assis devant une tv qui s’affrontent dans un tournoi de hockey en vidéo, ben c’est un peu épais ?
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Bien sûr que Donald Trump est fou à lier. Bien sûr qu’il a une propension à dire des grossièretés et à inventer n’importe quoi pour se montrer intéressant. Bien sûr que tout le monde sait ça. Enfin, pas exactement tout le monde. Parce qu’il en reste encore beaucoup trop qui vivent des émotions fortes par procuration en le voyant faire le con à répétition. Bien davantage que le roi bouffon, ce sont eux qui m’inquiètent par-dessus tout. Parce que lui, quand il va finir par se faire sortir de la Maison Blanche, eux, ils resteront là. Tenaces comme des taches qui ne partent plus…