Trudeau et Coderre interpellés pour accueillir les «anges gardiens» de Snowden
Après un premier appel à l’aide resté vain, trois avocats montréalais pressent une nouvelle fois le gouvernement de Justin Trudeau d’accorder le statut de réfugiés aux familles ayant protégé Edward Snowden à Hong Kong en 2013 et demandent l’appui du maire de Montréal, Denis Coderre.
«On demande à Ottawa d’être à la hauteur de la situation, car il y a plus que jamais une urgence pour la survie de ces personnes», clame Me Marc-André Séguin, l’un des trois avocats montréalais qui ont décidé de soutenir ces familles basées à Hong Kong, avant de lancer un organisme de soutien intitulé For the refugees.
Toujours sans nouvelle du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Ahmed Hussen, auprès duquel ils ont déposé un dossier le 26 janvier dernier, ces juristes québécois n’hésitent pas, désormais, à s’adresser directement au maire Denis Coderre.
Fin février, l’ex-ministre fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration a ouvert les portes de sa ville aux réfugiés en situation de détresse en désignant Montréal une «Ville Sanctuaire», avec l’appui unanime du conseil municipal. Un message que n’ont pas oublié ces avocats qui viennent de passer une dizaine de jours dans l’archipel asiatique.
«Comme Justin Trudeau, Denis Coderre a affirmé que les réfugiés étaient les bienvenus au Canada, indique Me Francis Tourigny. Il est extrêmement important que le Canada fasse sa part et leur vienne en aide.»
«C’est l’occasion parfaite pour que le Canada mais aussi Montréal montrent vraiment et concrètement leur engagement auprès des réfugiés, reprend Me Séguin, qui confirme avoir «lancé plusieurs appels à des personnalités politiques». Ces familles veulent seulement trouver une vie normale et je crois que le Canada est la meilleure place pour y parvenir.»
Contacté et relancé à plusieurs reprises par Métro, le cabinet de Denis Coderre est pour l’instant resté muet, tout comme le parti d’opposition, Projet Montréal.
Des familles «en grand danger»
Pendant ce temps, la situation s’empirerait en Asie. Au total, sept personnes, qui auraient toutes vécu des situations d’extrême violence les poussant à quitter les Philippines ou le Sri Lanka, viennent d’être convoquées pour des audiences de déportation qui se dérouleront toutes d’ici la fin de la semaine.
Ces familles pourraient être expulsées de l’archipel dans les prochaines semaines après leur rôle tenu lors de la venue à Hong Kong au printemps 2013 de l’ex-consultant de la NSA, Edward Snowden. Ce dernier s’apprêtait alors à révéler l’espionnage massif organisé par les États-Unis et la célèbre agence de sécurité américaine.
Révélées dans la production hollywoodienne d’Oliver Stone, Snowden, sortie durant l’automne 2016, les actions de ces «anges gardiens», suivies de la divulgation de leur identité, les ont placées face «à un grand danger». Ne pouvant légalement travailler sur l’archipel en raison de leur statut, celles-ci vivent dans l’angoisse de représailles venant à la fois de leur pays d’origine et du gouvernement local.
«Aidez-nous, svp»
«Je suis vraiment très inquiète et effrayée», soupire, les larmes aux yeux, Vanessa Rodel. Alors que le visage de cette mère d’une jeune fille de 5 ans, apatride, apparaît mercredi matin dans les locaux de ses avocats québécois par visioconférence, celle-ci s’apprête à vivre vendredi son audience qui pourrait la mener à une expulsion vers les Philippines, un pays qu’elle a fui il y a plus de dix ans, victime de «persécution, de traitements violents et de torture», selon Me Séguin.
Vivant depuis dans une situation précaire, elle gardait l’espoir d’obtenir l’asile de cette très sélective région administrative spéciale de la République populaire de Chine, qui accepte moins de 0,5% des demandes. Un espoir désormais vain, estime le président de For the refugees.
«Pour Hong Kong, nos clients sont un sujet d’embarras à écarter, sans égard à l’avenir que leur réserve leur pays d’origine. Ils apportent une image négative sur la scène internationale», détaille Me Séguin, avant de dénoncer l’envoi d’avis de convocation quelques heures à peine après une première sortie médiatique au début du mois, après des années de silence de l’administration locale.
«Hong Kong veut vraiment s’en débarrasser et qu’on les oublie», estime son collègue, Me Francis Tourigny.
Par le biais de Skype, Vanessa Rodel souhaite s’adresser directement au premier ministre canadien. «Je ne me sens plus du tout en sécurité et le futur m’inquiète beaucoup, confirme-t-elle, la voix remplie de chagrin. Aidez-nous, svp! M. Justin Trudeau, pourriez-vous nous ouvrir les portes du Canada?»