De quoi les racistes ont-ils peur?
L’affaire est, avouons-le, partie en brioche. Ce qui aurait pu (ou plutôt dû) constituer un exercice utile s’avère déjà un joyeux fiasco. Sur le plan des relations publiques, un naufrage. Les attaques nourries contre la légitimité de l’opération auront, ab initio, assassiné la pertinence, le cas échéant, de ses conclusions. Je parle, bien entendu, de la commission sur le racisme systémique.
Pas surprenant, cela dit, du moins si on considère la néo-tendance, parfaitement incongrue, à considérer comme plus grave le fait d’accuser quelqu’un de racisme que de l’être (i.e. raciste). Fort, quand même. Notamment lorsque ces mêmes racistes commencent leur publication par un «Bon, on va encore m’accuser d’être raciste…»* S’ajoutent à cela l’indémodable classique «chu pas raciste, j’ai [insérez ici votre remarque préférée]»**, lesquels auraient nécessairement pour effet de dédouaner l’individu en question.
À entendre les détracteurs de la commission, le premier ministre s’apprêterait à «faire le procès des Québécois». Boum. Rien de moins. Et pourquoi? Parce la commission discutée aura pour mandat d’évaluer la présence du racisme systémique dans la société québécoise. De déterminer l’ampleur de celui-ci et ses modus operandi. Le procès des Québécois, ainsi donc. Eh ben.
Évidemment, lancer une commission comme celle-ci implique, naturellement, que ce même racisme insidieux puisse effectivement exister. Et alors? Le Québec serait-il la seule société occidentale à y échapper? Il y aurait du racisme partout, sauf… ici? C’est du moins ce que semblent plaider maints influenceurs en tonnant, avec certitude, que «les Québécois sont pas racistes!»
Euh… OK. Mais qui dit le contraire? Qui parle des Québécois dans leur ensemble? Peut-il y a voir du racisme dans une société sans que ses citoyens en soient corollairement et globalement taxés? Existe-t-il de la fraude fiscale dans la province? Évidemment. Cela permet-il de qualifier les Québécois de fraudeurs? Ben non. Pas dur à comprendre, me semble.
Du reste, faudrait peut-être rappeler certains trucs. Par exemple, un sondage, réalisé par Léger en 2015 pour TVA Nouvelles, où 20% des répondants se disent «plutôt racistes».*** Par exemple, les propos de l’ancien ministre Drainville, lequel martelait, ad nauseam, que les Québécois «avaient un problème avec le voile».**** Par exemple, la suggestion, ô combien ironique, de Jean-François Lisée, d’exiger des curriculum vitae anonymes, histoire d’enrayer la discrimination à laquelle fait face nombre de Québécois au nom autre que «de souche».
Plus de racisme ici qu’ailleurs? Pense pas. Moins? Pense pas non plus. Une commission pour analyser le phénomène et contribuer, éventuellement, à l’enrayer? Avec plaisir. Et comme pour les autres processus du genre, ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont… rien à craindre.
* Un truc pour ceux-là: la meilleure façon de ne pas se faire traiter de raciste est de… ne pas l’être.
** On pense ici à l’omniprésent ami noir, évidemment. Ou au: «J’ai des chums de toutes les races.»
Ou: «J’ai déjà mangé un shish-taouk, pis j’ai pas haï ça.» Bref.
*** Bientôt, le concept du «plutôt enceinte» dans un sondage près
de chez vous…
****SVP, ne plus parler en mon nom, Bernard.