Stratégie de déconfinement: pas la même pour tout le monde
Devant l’ampleur du défi de la pandémie, tous les États ne prennent pas les mêmes moyens. Alors que le Québec fermait, rouvrait, puis refermait son économie, des pays comme la Nouvelle-Zélande ont adopté d’autres stratégies de déconfinement pour contrôler la transmission, constatent des expertes.
La semaine dernière, Métro a compilé l’ensemble des fermetures et des réouvertures majeures de l’économie au Québec depuis mars. Il s’avère que le gouvernement provincial a procédé à 27 annonces de ce genre, soit une aux deux semaines.
Nous avons voulu faire la comparaison avec la Nouvelle-Zélande, l’un des pays qui a le mieux réussi à contrôler la pandémie dans le monde. Si, depuis mars, la Santé publique québécoise a rapporté 32 000 cas par million d’habitants, au «pays des Kiwis», c’est 487 cas par million.
Premier constat: au contraire du gouvernement de François Legault, celui de la première ministre néo-zélandaise Jacinta Ardern a moins souvent fait appel à son pouvoir exécutif pour fermer ou rouvrir l’économie. Depuis mars, on compte 16 annonces majeures en ce sens en Nouvelle-Zélande, par rapport 27 pour le Québec.
Selon l’experte en économie de la santé Maude Laberge, c’est la stratégie «d’éradication» du pays insulaire qui a fait son succès. «On a vraiment voulu se rendre à zéro cas plutôt que d’essayer de seulement faire en sorte que notre système de santé survive», observe cette professeure adjointe à l’Université Laval.
Au Québec, observe l’experte en santé publique Roxane Borgès Da Silva, c’est plutôt une stratégie de «mitigation» qui a été priorisée: ouvrir certains secteurs lorsque possible, si la situation épidémiologique le permet.
Comme dans un miroir
Pourtant, le Québec et la Nouvelle-Zélande ont amorcé leur combat contre la COVID-19 à la même vitesse. Étrange hasard: le premier cas d’infection apparaissait le 28 février 2020 en Nouvelle-Zélande, le même jour que le premier dans la Belle Province.
Ce jour-là, Jacinta Ardern demande la fermeture des frontières et envoie des équipes de santé publique dans les aéroports. Au Canada, ces responsabilités reviennent au fédéral. La fermeture des frontières attendra au 16 mars.
Quelques jours plus tôt, le 12 mars, François Legault y va de sa première annonce majeure pour le Québec. Il annule tous les rassemblements de plus de 250 personnes dans la province et exhorte les Québécois à surveiller leurs gestes et à limiter leurs déplacements.
Les deux gouvernements procèdent à une fermeture presque entière de l’économie au courant du mois de mars. Au Québec, le 23 mars, les commerces et les services non essentiels ferment. En Nouvelle-Zélande, c’est le 25 que le pays tout entier passe en «alerte 4», le dernier niveau de son système d’alerte national élaboré au début de l’urgence sanitaire.
Après le grand confinement du printemps, le Québec, comme la Nouvelle-Zélande, déconfinent en juin. Les bars et les restaurants rouvrent. Le nombre de cas continue de descendre.
Montagnes et vallées
Jusqu’alors synchronisés, les pays vont adopter deux approches différentes à partir de l’automne.
La Nouvelle-Zélande possède déjà son système à quatre paliers depuis mars. Le premier niveau implique des écoles ouvertes et des rassemblements de masse autorisés. Seules les restrictions aux frontières demeurent.
Le niveau d’«alerte 2» met en place des restrictions, mais permet à la plupart des secteurs de l’économie de rester ouverts. La phase 3 exige des services sans contact dans les commerces non essentiels, notamment.
Le Québec a aussi son système par paliers. Il faut toutefois attendre au mois de septembre pour qu’il apparaisse. Séparé par couleurs, il a fait l’objet de plusieurs modifications depuis sa création.
Au mois de septembre, la transmission au Québec commence à grimper. La moyenne quotidienne des nouveaux cas va augmenter presque sans arrêt jusqu’en janvier. Du 1er septembre à aujourd’hui, le nombre total des cas va plus que quadrupler dans le province.
Pendant que le Québec ajoute plus de 200 000 cas à son bilan, la Nouvelle-Zélande comptabilise 600 nouveaux cas de COVID-19 sur cinq mois.
C’est sur cette période, aussi, que les deux gouvernements vont emprunter des chemins différents. Alors que la Nouvelle-Zélande effectue quatre annonces majeures entre septembre et février, Québec en effectue… 13.
Des avantages multiples
Maude Laberge convient que le caractère insulaire du territoire néo-zélandais lui rend la vie plus facile. Cependant, rien ne devrait empêcher le Québec de tenter sa chance avec une stratégie d’éradication, avance-t-elle.
«Au Québec, on n’a pas attendu de se rapprocher de zéro cas pour rouvrir. On a ouvert graduellement quand la situation allait mieux, et on voit qu’on vient de le faire à nouveau», souligne Mme Laberge.
La stratégie a eu pour effet d’accentuer «l’effet de yoyo» des cas et des mesures, ajoute Roxane Borgès Da Silva, qui est professeure à l’Université de Montréal.
«Il y a eu pire stratégie, comme l’immunisation collective. Mais la mitigation, ça a des impacts élevés sur la santé publique, la santé mentale et l’économie», affirme-t-elle.
Oui, sur l’économie aussi. Maude Laberge considère qu’en adoptant la stratégie de la Nouvelle-Zélande, le Québec aurait pu sauver davantage d’entreprises. «Là-bas, certains pans de l’économie sont restés ouverts parce que la stratégie de dépistage et de traçage était ciblée et agressive», lance l’experte.
Alerte aux variants
Avec l’arrivée des variants du coronavirus au Québec, Mme Laberge émet des doutes quant à la stratégie mise de l’avant.
«On n’a pas des taux si faibles que ça de propagation. La réalité, c’est qu’on risque de voir une augmentation après la semaine de relâche.» – Maude Laberge, professeure adjointe au Département d’opérations et systèmes de décision de l’Université Laval
La semaine dernière, le gouvernement de François Legault donnait le feu vert à la réouverture des cinémas, des arénas et des piscines pour la semaine de relâche. Plusieurs mesures restrictives, dont le couvre-feu demeurent en place jusqu’à nouvel ordre.