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Legault et l’opinion publique: l’étau politique se resserre

Conférence de presse de Legault
Photo: Josie Desmarais/Métro

Quelques jours après avoir dit que le Québec «résistait», François Legault reconfine. Dans deux conférences de presse d’urgence organisées la semaine dernière, le premier ministre a tour à tour resserré l’écrou. Une troisième vague de confinement qui pourrait entamer l’opinion publique pour de bon, selon des experts.

Québec a posé la première pierre le 31 mars: la situation était telle à Québec, Lévis et Gatineau, que le gouvernement Legault s’est dit forcé de mettre ces trois villes «sur pause» pour une dizaine de jours.

Puis, moins d’une semaine plus tard, le premier ministre allait un pas plus loin. Mardi dernier, François Legault ordonnait le retour en alternance des élèves de troisième, quatrième et cinquième secondaire. Les gyms se voyaient eux aussi forcés de fermer jusqu’à nouvel ordre.

Ce n’était pas la dernière annonce de la semaine. Jeudi, le premier ministre a confirmé le retour du couvre-feu à 20h à Montréal et à Laval. «On n’avait même pas eu le temps de complètement déconfiner qu’est arrivée la troisième vague», a convenu M. Legault, avançant du même coup que son gouvernement jouait un peu au «yoyo».

Populaire comme jamais

Le gouvernement Legault surfe sur une vague de popularité sans équivoque depuis le début de la pandémie. Un sondage récent – daté de février 2021 – donnait à la CAQ une avance allant jusqu’à 33% dans les intentions de votes provinciales.

À travers le Canada, rares sont les premiers ministres qui ont obtenu autant d’appuis pour leur gestion de crise. Hormis les premiers ministres des Maritimes, François Legault est le premier ministre avec le plus haut taux d’approbation au pays, selon l’Institut Angus Reid.

Vendredi, la firme d’analyse de l’opinion publique publiait une nouvelle étude sur l’approbation des décisions sanitaires. Selon des données du mois d’avril, le chef d’État québécois obtient encore l’appui de 63% de la population, le deuxième meilleur total derrière les premiers ministres des provinces maritimes.

«M. Legault a quand même réussi à incarner une figure rassurante. On a devant nous un père de famille», analyse l’expert en communication politique Olivier Turbide, qui enseigne au Département de communication sociale et publique de l’UQAM.

Mais le soutien, qui semblait par moment indéfectible, s’effrite. Selon les données récoltées la semaine dernière par Angus Reid, les autorités sanitaires au Québec passent au quatrième rang des taux d’approbation (63%), derrière les Maritimes, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan.

Les impacts d’un resserrement

Cet effritement s’observe dans l’opinion publique des Québécois, selon l’étudiant à la maîtrise en science politique Marc-Antoine Rancourt. Ce dernier participe au Projet Quorum, un site Web interactif créé par des membres des corps professoral et étudiant de l’Université Laval, et qui vise à prendre le pouls des Québécois, mais aussi des décideurs et des médias, face aux décisions du gouvernement.

Projet Quorum récolte l’opinion de la population grâce à des coups de sonde réguliers pour peindre un portrait de leur attitude. «On a accès à ces données-là depuis quelques mois déjà. Ce qu’on peut remarquer, c’est que, quand il y a des mesures de relâchement, on voit un bond significatif dans la mesure de l’optimisme des gens», constate-t-il.

Les données sur l’opinion publique du Projet Quorum ne sont pas encore disponibles publiquement – quoiqu’elles devraient l’être bientôt. Or, la mesure de l’optimisme dans la classe politique apparaît sur son site Web. Et l’humeur des politiciens, François Legault inclus, chute drastiquement depuis la fin mars, peut-on constater.

Dans la population, la même tendance est observable, observe Marc-Antoine Rancourt, en référence à des statistiques encore préliminaires.

«Surtout dans les derniers jours, il y a une hausse du pessimisme dans l’opinion publique», remarque-t-il.

«Ça vient avec la job»

François Legault a tenté de prendre le poids du blâme, jeudi dernier, après un point de presse mouvementé lors duquel il avait souvent référé au rôle de la santé publique dans ses décisions, deux jours plus tôt.

«Quand même que je voudrais plaire à tout le monde, c’est impossible. Comme dirait Bernard Landry, si tu veux te faire aimer, ne fait pas de politique, achète-toi un chien», a-t-il lancé.

Selon Olivier Turbide, les annonces rapides des dernières semaines ont resserré l’étau de l’opinion publique sur François Legault. D’où cette sortie hors de l’ordinaire, avance-t-il.

«C’est sûr que sur le plan de l’image, ça fait mal», lance ce professeur de l’UQAM.

«Il y a une semaine ou deux, on maîtrisait le virus, la vaccination allait bien, on était sur la bonne voie. Là, tout d’un coup, c’est le bouton panique», poursuit-il.

Marc-Antoine Rancourt ne serait pas surpris de voir ces décisions avoir un impact à long terme sur l’opinion envers François Legault et le gouvernement. «Depuis le 20, 22 mars, l’opinion publique [envers la gestion de crise] est presque en chute libre», observe-t-il.

Des effets électoraux?

Legault n’est pas le seul premier ministre qui doit composer avec une opinion publique méfiante. La semaine dernière, des médias albertains rapportaient que le premier ministre de la province, Jason Kenney, aurait menacé des députés dissidents de déclencher une élection d’urgence. Si elle devait se concrétiser, elle pourrait avoir des impacts importants sur l’homme politique conservateur, lui qui obtient des taux d’approbation de moins de 50% selon Angus Reid.

Nul ne peut dire ce que sera l’enjeu de l’urne aux prochaines élections provinciales québécoises. La gestion de crise pandémique? Si c’est le cas, Marc-Antoine Rancourt doute que cette conjoncture désavantage M. Legault, même si 10 700 personnes sont décédées des suites de la COVID-19.

«La plupart de nos répondants sont en accord avec les différentes politiques mises de l’avant pour protéger la vie des Québécois. Si la question de l’urne est la gestion de la pandémie, les chances sont que beaucoup de gens vont considérer que François Legault a la note de passage», affirme le chercheur en sciences politiques.

Des points de presse politiques?

Selon le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, M. Legault «profite» des points de presse gouvernementaux pour récupérer des appuis perdus durant la pandémie.

À la fin du mois de janvier, à peu près un an après le début de la crise sanitaire, François Legault a tenu à assurer les Québécois de son intention de remplir ses promesses électorales.

«Depuis un an, la pandémie a pris beaucoup de place, mais je veux rassurer les Québécois, avait-il dit. On est tous convaincus que toutes les promesses électorales qu’on a faites, lors de la campagne de 2018, on va être capables de les respecter.»

St-Pierre Plamondon évoque un «monopole du message» par le gouvernement.

«Les points de presse, on en profite pour faire de la politique, rétorque Paul St-Pierre Plamondon. Lorsqu’on qualifie la gestion de la vaccination d’extraordinaire, clairement, il y a un manque d’objectivité. On est devant une infopub.»

La semaine dernière, le PQ a demandé au gouvernement de François Legault de revoir le format de ses conférences de presse. Les avis de la santé publique, ainsi que les communiqués de presse du gouvernement, doivent être rendus publics avant l’heure, a demandé la formation indépendantiste.

Puis, à l’avenir, il faudra une enquête publique et indépendante sur la gestion de crise, réitère M. St-Pierre Plamondon. Les deux autres partis d’opposition, le Parti libéral et Québec solidaire, le demandent également depuis des mois.

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