Les Québécoises travaillent sans paie pour le reste de l’année
Pendant tout le mois de décembre, les femmes québécoises travailleront sans être payées, pour la seule et unique raison qu’elles sont des femmes. En effet, en 2020, la rémunération horaire moyenne des femmes représentait 91,9% de celle des hommes au Québec, selon les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
L’écart de 8,1% entre la rémunération des femmes et celle des hommes concerne la rémunération horaire moyenne. Sur une année, cela représente un mois de travail sans rémunération.
Au cours de la dernière décennie, cet écart oscillait plutôt autour de 10%. La chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) Anne Plourde, qui a corédigé une analyse publiée aujourd’hui à ce sujet, explique difficilement ce bond. «On se retrouve au premier décembre alors que les années précédentes, ça tournait davantage autour du 20 novembre. On n’a pas trop d’hypothèses pour expliquer ça, mais on sait que c’est une année exceptionnelle [avec la pandémie]», affirme-t-elle.
Mme Plourde constate une légère amélioration depuis 1997, mais celle-ci est très lente. «Si on continuait au même rythme, ça nous prendrait 50 ans au Québec avant d’atteindre une réelle égalité de rémunération horaire entre les hommes et les femmes», indique-t-elle.
Puisque les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel, l’écart est beaucoup plus grand lorsqu’on compare le revenu annuel moyen: en 2019, il était de 23,8%.
Un écart systématique sur la rémunération
Par ailleurs, la chercheuse Anne Plourde mentionne que l’écart de rémunération horaire se manifeste systématiquement, quelles que soient les variables considérées.
Même tranche d’âge, niveaux de scolarité et de compétence équivalents, mêmes statut et durée d’emploi, secteurs d’appartenance (soit public ou privé), industries et tailles d’établissement similaires: les femmes sont dans tous les cas sous-rémunérés par rapport aux hommes.
«C’est la preuve que c’est vraiment la variable femme qui explique la sous-rémunération», précise Mme Plourde.
Les bénéfices de la présence syndicale
Une des seules variables qui semble avoir un impact significatif sur cet écart est la présence syndicale. En effet, en 2020, l’écart salarial entre les hommes et les femmes était presque inexistant pour les employés syndiqués.
«Selon nous, ça contribue à expliquer le fait qu’au Québec les femmes s’en sortent quand même mieux que dans le reste du Canada, ajoute Anne Plourde. Au Québec, on est un des endroits en Amérique du Nord où la présence syndicale est la plus forte.»
De plus, la chercheuse pense que plusieurs des politiques publiques mises en place au Québec ont probablement contribué à cette meilleure performance dans la province. «Il y a notamment la Loi sur l’équité salariale, le réseau des centres de la petite enfance et le régime québécois d’assurance parentale du Québec qui font une différence», mentionne-t-elle.
Encore du travail à faire pour atteindre l’égalité
Malgré certaines avancées, Anne Plourde souligne que des inégalités persistent. «Il y a des choses qui vont devoir être faites pour accélérer l’atteinte de l’égalité au Québec», dit-elle.
L’écrivaine et professeure au Département d’études littéraires de l’UQAM Martine Delvaux n’est pas surprise de voir que l’égalité n’est toujours pas atteinte au Québec en matière d’équité salariale. En fait, elle est même étonnée de voir que l’écart de rémunération horaire moyen entre les hommes et les femmes est si peu élevé.
Si l’analyse de l’IRIS note l’importance des syndicats dans la défense de l’équité salariale et que la discrimination a lieu peu importe les variables, Mme Delvaux rappelle qu’aucun syndicat ne défend les femmes en matière de travail invisible, par exemple.
«Si on prenait en compte le nombre d’heures travaillées par les femmes à l’extérieur du travail, toutes ces charges physiques et mentales reliées aux soins donnés aux proches et aux moins proches, je me demande à quelle date commencerait notre bénévolat», souligne-t-elle.