Prison de RDP: des agents correctionnels «désabusés et épuisés»
La tension est à son comble entre les murs de l’Établissement de détention de Rivière-des-Prairies. Les trois agressions survenues en l’espace de quelques semaines mettent en lumière le manque de moyens et d’effectifs et démoralisent les agents correctionnels de la prison.
Selon Yves*, un agent correctionnel du centre de détention contacté par Métro, les employés sont «fatigués, épuisés et désabusés» face à la perte de contrôle et «l’inaction» de la direction.
S’il reconnaît que la direction prend des décisions, «c’est trop peu ou trop tard», selon lui.
Yves parle d’une situation qu’il faut désormais prendre très au sérieux. «Le fort est tenu à bout de bras depuis bien trop longtemps. Les troupes sont fatiguées, épuisées», commente l’agent.
Je vais être honnête, ce n’est pas rose. Ça ne va vraiment pas bien en ce moment.
Yves* (nom d’emprunt), agent de la paix en service correctionnel à l’Établissement de détention de Rivière-des-Prairies
«La violence et les agressions sont une réalité qui augmente de plus en plus», ajoute Mathieu Lavoie, président national du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN).
Une situation qui l’inquiète puisque, selon lui, ces situations vécues par les agents correctionnels ont un impact direct sur leur santé psychologique. «Voir des collègues tomber au combat est dur pour le moral», rappelle-t-il.
Le ministère de la Sécurité publique (MSP), de son côté, assure qu’un «compte rendu opérationnel ainsi qu’une séance de désamorçage et de désensibilisation sont réalisés et le programme d’aide aux personnes est offert aux membres du personnel impliqués dans l’événement en question».
Vague de démissions à venir?
La tension est à son comble et l’état d’esprit des employés est au plus bas. «Les bottes ont l’air lourdes», décrit Yves lorsqu’il croise ses collègues qui arrivent au centre le matin.
Si la détermination et l’amour de leur métier sont toujours présents, ils déplorent le «laxisme quotidien» de la direction. «Nous sommes abandonnés», confie l’agent.
Selon ses dires, de nombreux agents expérimentés penseraient à quitter leur poste. «À chaque agent qui quitte, on perd une expertise en détention», commente Yves, qui semble être dépassé par la situation.
Du renfort
Selon les informations obtenues par Métro, au moins 12 nouveaux employés viendront prêter main-forte à l’établissement de Rivière-des-Prairies d’ici quelques semaines.
Mais si on pourrait croire que cette nouvelle saurait ravir les employés de la prison, ce n’est pas le cas sur le terrain. «L’école, c’est une chose; les murs de la prison, c’en est une autre», affirme Yves.
Selon son expérience, la majeure partie des nouveaux employés ne tiennent pas plus qu’un mois, alors que la formation en dure trois. «Une perte de temps. La direction ferait mieux de miser sur la rétention du personnel», croit-il.
Le MSP déploie des «efforts considérables» afin de recruter du nouveau personnel, fait savoir le service des communications.
Le ministère confirme notamment que les cohortes de futurs agents des services correctionnels (ASC) ont été augmentées. Ces derniers entreront en fonction au mois de mars 2022 dans les différents centres au Québec.
Selon les derniers chiffres avancés par Michel Lefebvre, directeur du centre de détention, le site de Rivière-des-Prairies présentait en date du 17 janvier un taux d’absentéisme de l’ordre de 48%. Le centre compte 307 employés.
*Le nom a été modifié afin de préserver l’anonymat de la personne.