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Féminicide: un an plus tard, l’aînée d’une fratrie orpheline se confie

Irmline Fenelon souhaite créer prochainement une association qui porterait assistance aux enfants des victimes de meurtre. Photo: David Flotat, Métro

La vie d’Irmline Fenelon a basculé le 30 mars 2021 lorsqu’elle a perdu ses deux parents dans un drame familial. Fille aînée d’une fratrie de cinq enfants, la jeune Léonardoise veut désormais «tourner la page» en brisant le tabou autour des violences conjugales et souhaite dénoncer le manque de soutien administratif pour les familles des victimes.

C’était il y a un peu plus d’un an. Le 30 mars 2021, Enock Fenelon, le père d’Irmline, assassine sa belle-mère, Nadège Jolicoeur, 40 ans, avant de s’enlever la vie.

Le couple, qui avait partagé 23 ans de vie commune, est retrouvé sans vie à l’aube par un passant dans un secteur résidentiel de Saint-Léonard.

Si Irmline affirme avoir traversé la plus dure épreuve de sa vie ce jour-là, elle explique avoir dû faire face à de nombreux obstacles supplémentaires en raison d’un manque de suivi.

«Au début, c’était très difficile d’aller chercher de l’aide car nous étions complètement sous le choc», se remémore la jeune femme de 27 ans.

Bien que le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) était présent au moment de recevoir la nouvelle, elle explique avoir eu de la difficulté à aller chercher des ressources durant les mois qui ont suivi le drame.

«Le CAVAC était présent et nous a dit qu’on pouvait les appeler s’il y avait quoi que ce soit, mais quand je venais de perdre mes deux parents, je n’avais pas la tête à les appeler», se désole Irmline.

Je veux apporter une voix pour encourager les autres à aller chercher ce dont ils ont besoin. Ça me fait aussi du bien d’en parler, car qu’on le veuille ou non, la vie doit continuer.

Irmline Fenelon, fille d’une victime de féminicide

Joindre les deux bouts

Si la Léonardoise précise qu’elle et ses frères et sœurs ont reçu une petite somme grâce à l’assurance vie de sa mère, elle confie aujourd’hui avoir du mal à joindre les deux bouts.

«J’ai pris en charge mes frères et sœurs les plus jeunes, qui ont 15 et 17 ans, ce qui implique que j’ai dû mettre ma vie sur pause. J’utilise toutes mes économies pour m’en occuper.»

La tutrice légale doit également gérer leur éducation, une mission qu’elle prend à cœur et qu’elle souhaite remplir du mieux qu’elle peut. Une tâche déjà difficile, qui s’avère être encore plus compliquée que prévu.

«En ce moment, je gère toute seule l’ensemble du côté administratif lié au décès de mes parents, explique-t-elle. Tout cela est très épuisant, car je n’ai pas pu avoir ce moment où je prenais une pause pour faire mon deuil.»

En tant qu’aînée de la famille, mon rôle est de trouver une solution pour que les choses soient faites par la suite. On ne peut pas rester là à sombrer, la vie continue malgré tout.

Irmline Fenelon, fille d’une victime de féminicide

Irmline estime que ce qui s’est passé durant les mois qui ont suivi l’événement aurait pu mieux se dérouler.

«C’est quand même une situation qui a été médiatisée, je trouve ça dommage que les instances politiques ne prennent pas conscience de l’impact sur le long terme pour des familles comme nous, qui, finalement, sont livrées à elles-mêmes.»

Alors que celle qui travaille comme agente de sécurité se retrouve seule à affronter cette situation au quotidien, celle-ci concède que c’est parce qu’elle n’a pas le choix. La famille du côté de son père habite à l’étranger, alors que le côté de sa belle-mère – qu’elle considère comme sa véritable mère – n’a pas pu lui porter assistance pour assumer les frais des deux enterrements.

Briser les tabous

La situation délicate dans laquelle se trouve sa fratrie n’est pas la seule raison qui pousse Irmline Fenelon à faire entendre sa voix.

«Je veux attirer l’attention sur le tabou autour des violences conjugales, qui restent depuis trop longtemps étouffées au sein de la communauté noire.»

Il y a une réelle banalisation de la violence conjugale qui est malheureusement répandue dans la communauté afro. Les femmes doivent savoir qu’elles ne sont ni seules, ni coincées. Ce n’est pas acceptable de les laisser se faire maltraiter par des hommes.

Irmline Fenelon, fille d’une victime de féminicide

Nadège Jolicoeur fait partie des 26 femmes qui ont été victimes d’un féminicide au Québec durant l’année 2021. Il s’agit du nombre le plus élevé de féminicides dans la province depuis 2008.

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