Quelle inflation? Les profits des entreprises en hausse, souligne l’IRIS
En pleine période d’inflation, les profits des entreprises canadiennes ont atteint des sommets, révèle une note de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) diffusée jeudi.
Au cours de la dernière année, les entreprises auraient engrangé plus de 91 G$ de bénéfices nets supplémentaires. En tête, le secteur des matières premières avec 60 G$, suivi de la finance et du secteur de la vente. Selon l’Institut, les entreprises auraient profité de l’inflation pour augmenter leurs marges. Elles auraient ainsi contribué à ajouter une couche supplémentaire au phénomène.
«Contrairement aux ménages, dont les salaires stagnent, les entreprises semblent avoir largement profité du contexte d’inflation pour majorer leurs prix. Cette manoeuvre leur aurait permis d’engranger des profits records tout en contribuant à l’accélération de l’inflation», affirme dans un communiqué Guillaume Hébert, chercheur à l’IRIS et coauteur des fiches.
Se basant sur des données de Statistique Canada, l’IRIS relève une augmentation de 1,8 point de pourcentage des profits entre les quatre derniers trimestres et la moyenne des cinq années précédant la pandémie.
L’IRIS suggère d’encourager la concurrence et de lutter contre les pratiques de concertation des prix. Elle propose également de s’inspirer de la taxe sur les surprofits des compagnies pétrolières décidée récemment par le Royaume-Uni.
La hausse des taux directeurs
À 8,1%, l’inflation a atteint en juin son plus haut niveau depuis les années 1980. Pour lutter contre celle-ci, la Banque du Canada a donc procédé à plusieurs hausses successives de son taux directeur. Ce dernier est en effet passé de 0,25% à 2,50% depuis le début de l’année.
En haussant rapidement [le taux directeur], ils ont pu stopper le problème à la source. C’est pour ça que c’est important d’agir maintenant. Dans un an, la situation [aurait été] encore pire.
Olivier Rancourt, économiste à l’Institut économique de Montréal (IEDM)
Or, selon l’IRIS, cette hausse des taux d’intérêt ne s’attaque pas aux causes fondamentales de l’inflation. «Ce seront avant tout les travailleuses et les travailleurs qui feront les frais d’une telle approche», avance-t-on dans la note. Ses auteurs soulignent que la hausse des marges est supérieure à celle des salaires. Cela participerait à accélérer l’impact de l’inflation, disent-ils. L’IRIS recommande l’indexation des salaires sur l’inflation.
La crainte de l’Institut est que la politique monétaire de la Banque du Canada mène à un ralentissement de l’économie.
«Le chômage qui résulterait d’un recul de l’activité économique serait catastrophique pour les ménages canadiens», avance Pierre-Antoine Harvey, coauteur de la note de l’IRIS.
Les dépenses en énergie en cause
Contacté afin de commenter la note de l’IRIS, l’économiste de l’IEDM Olivier Rancourt fait valoir que la hausse des salaires est déjà en train de se produire.
«On peut le voir chez les restaurateurs et les épiceries. Il y a des besoins de main-d’oeuvre qu’ils ne sont pas capables de combler. Sur cette nature-là, les salaires augmentent. C’est sûr que ça permet de minimiser l’impact de l’inflation temporairement, mais c’est une situation de demande agrégée», analyse-t-il.
De son côté, l’IRIS pointe les dépenses en énergie comme étant responsable de 52% de l’inflation annuelle excédentaire observée depuis le début de la pandémie.
Cela s’explique notamment par la hausse du prix du baril de pétrole, qui a eu un impact sur le commerce international. Ce dernier se vendait autour de 60$ US avant la pandémie, et 115$ US en juin 2022. On serait là au coeur du problème, considèrent les chercheurs à l’origine de ce constat. Ils encouragent donc les pouvoirs publics à réduire les tarifs qu’ils contrôlent, et à soutenir une économie verte.
En somme, l’IRIS croit que la hausse des taux directeurs privilégie les grandes entreprises au détriment des ménages. «Le gouvernement doit agir pour protéger [leur] revenu, mieux réguler l’activité économique et accélérer la transition écologique», concluent les auteurs de la note.
Les PME, 98% des entreprises du Canada
Dans un courriel envoyé à Métro, le Conseil du patronat du Québec rappelle qu’en 2021, «les PME représentaient près de 98 % de toutes les entreprises au Canada, une proportion similaire au Québec».
Pour le CPQ, la décision de la Banque du Canada de hausser les taux d’intérêt est «un mal nécessaire». Il souligne que les profits des entreprises concerne une portion relativement petite du tissu économique. Les secteurs comme la restauration, le tourisme et le commerce de détail ont des marges de profit plus serrées selon le CPQ.
«Imposer davantage les entreprises peut devenir contre-productif. Cela peut miner leur compétitivité et à terme, les amener à déménager leurs activités ailleurs et/ou refiler la facture aux consommateurs et aux travailleurs. D’ailleurs, le Canada a déjà imposé une surtaxe aux institutions financières lors du dernier budget en avril dernier.»