François Legault et le triomphe de Mini-Maurice
CHRONIQUE – Le Noblet Duplessis, «Cheuf» de la nation autoproclamé, avait coutume de glousser, lors de campagnes électorales: ÉLECTEURS! ÉLECTRICES! ÉLECTRICITÉ!
Difficile de s’irradier du cerveau ce slogan, ces temps-ci, merci à François Legault. Ayant déjà admis sans contrainte ses affinités avec le père de la Grande Noirceur, le chef caquiste allait rappliquer, tant en style qu’en idéologie, les paradigmes de ce dernier.
J’exagère? Fort bien. Alors question: nommez-moi la promesse-phare, à votre avis, de la campagne des bleus poudre. Réponse? Voilà. Le chèque de 400 $ à 600 $… dès décembre. Joyeux Noël, tout le monde.
Deuxième promesse, maintenant. Allez allez, un petit effort. Oui, voilà, bravo. La cristallisation d’un projet de troisième lien dépourvu d’études scientifiques. Parce qu’il s’agit, aux dires de mini-Maurice, d’un projet… politique. Ben coudonc. Comme si politique et science étaient nécessairement antipodiques.
Troisième promesse? Allez fort. Go. C’est long, c’est long. Rien? OK. Ce que je pensais. Et je ne vous blâme pas. Je cherche aussi.
Reste, cela dit, les propos disgracieux sur l’immigration. Ceux de Boulet, bien entendu. Mais aussi et peut-être surtout ceux de Legault lui-même, à répétition. Associant, d’abord, l’immigration à la violence. Associant, ensuite, cette dernière à des enjeux de cohésion sociale. Associant, peu après, toujours celle-ci à l’extrême-droite suédoise et allemande. Accusant, enfin, les Attikameks d’apparemment refuser de «régler le problème du racisme», au Québec, lui-même qui aura refusé d’accepter le pourtant minimaliste Principe de Joyce.
Outrecuidant, fallacieux et abject dans l’ensemble des cas de figure.
Le lien avec Duplessis? Ici: diviser, sectariser, monter les uns contre l’Autre, cet ennemi imaginaire. Faire du wedge politic de bas étage. Laisser entendre qu’il y a une menace sourde, constante, imminente. Alors que le Cheuf visait les communistes et les Témoins de Jéhovah, mini-Maurice aura pour sa part choisi, contexte 2022 oblige, Autochtones et immigrants. Diviser plutôt qu’unir. Sortir les épouvantails.
Le français va mal? La faute aux immigrants. Ça brasse dans les rues de Montréal? La faute aux immigrants. Y a de la chicane dans la cabane? La faute aux immigrants. Les Autochtones craignent encore d’aller se faire soigner à l’hôpital? Leur faute.
Méfie-toi, peuple. L’ennemi approche. Rassure-toi, peuple. Mini-Maurice veille au grain.
Une petite anecdote, pour le plaisir: lors de l’inauguration du pont de Trois-Rivières, Duplessis devait s’exclamer: ce pont est aussi solide que l’Union nationale!! Or, peu après, effondrement total de la nouvelle infrastructure. Vrouf. Ça prenait, évidemment, un coupable. Bonne nouvelle, le Cheuf l’avait débusqué: la faute des communistes!! Ayant nommé une commission chargée de faire enquête, celle-ci devait arriver à la conclusion suivante: simple problème d’ingénierie. Manifestement insatisfait, le Cheuf força la commission à refaire ses devoirs. Le rapport final indiqua: «Il nous est impossible de faire la preuve qu’il ne s’agit pas des communistes.» Et voilà le travail!
Le lien avec Legault? Ceci: toujours la faute des autres. De l’ennemi imaginaire. Jamais la sienne. Diviser. Tout le temps. Toujours. Et parler au nom du peuple, bien sûr, formule éprouvée par tout populiste.
Chatouillé par les critiques sur ses propos et ceux de Boulet sur l’immigration, Legault répliqua: «Moi, je pense que la majorité des Québécois veulent qu’on protège notre langue et nos valeurs. On est là où sont les Québécois, pas quelques analystes qui disent le contraire et qui associent ça à du racisme.»
Re-voilà.
Une dernière, pour le fun. Le slogan de l’Union nationale en 1952? Laissons Duplessis continuer son œuvre.
Un hasard n’attend pas l’autre, faut croire.
Attablé à un lunch la semaine dernière avec le dramaturge René-Daniel Dubois, ce dernier me matraque de l’expression Mini-Maurice, dont la paternité du présent titre lui revient. Il sourit, mitraille, et recommence jusqu’à plus soif. Je ris fort.
– Tu veux savoir pourquoi je l’appelle Mini-Maurice et pas Maurice tout court?
– Enweye donc.
– Parce que le vrai Maurice, lui, avait une certaine stature.