Des personnages gonflés
À chaque fois que je sors de chez nous, il y a des drôles de bibittes lumineuses qui me font des tatas. Sans blague, je vous jure que je ne suis pas victime d’hallucinations, il s’agit de la plus pure des vérités.
En fait, le terrain de mes voisins d’en face est habité par des personnages gonflables. Quand ce n’est pas un lapin de Pâques de 6 pieds qui semble tout droit sorti du pays des merveilles d’Alice, c’est une citrouille parfaitement hilare qui prend forme et couleurs un coup la nuit tombée.
Depuis trois semaines – ils sont débarqués au lendemain de l’Halloween – c’est un bonhomme de neige et un père Noël qui ont pris la relève sur cette pelouse brunâtre qui attend de virer résolument au blanc d’hiver. Au petit matin, quand leurs souffleries cessent de fonctionner, le Bonhomme et le Père s’effouèrent lamentablement jusqu’à leur prochaine vigile nocturne. Un triste portrait pour tout dire. Même quand on sait qu’il ne s’agit pas du vrai père Noël ni d’un véritable bonhomme de neige, la scène fait toujours mal à voir.
La semaine dernière, un autre personnage – plus gonflé que gonflable celui-là – s’est lui aussi retrouvé dans un drôle d’endroit vu ses fonctions. Vous l’avez vu, vous, le premier ministre Stephen Harper de passage à l’Antichambre à RDS? Il était là pour «ploguer» sa plus récente contribution à la société, le livre Un sport légendaire : les Maple Leafs d’autrefois et l’essor du hockey professionnel. Trouvez l’erreur…
Je vous arrête tout de suite, ça ne me dérange pas le moindrement que le chef du pays soit un partisan des Maple Leafs, tout le monde a le droit de se tromper. Comme ça ne me fait pas un pli qu’un PM choisisse de meubler ses loisirs en écrivant un livre sur autre chose que sur son vécu de conservateur.
Non, là où j’ai un méchant problème, c’est quand un homme qui refuse à peu près tout contact aux journalistes qui l’accompagnent au quotidien va s’asseoir dans le fauteuil de l’interviewé dans une émission sportive où il sait bien qu’on lui parlera de tout SAUF de politique. Et encore, ça a l’air que l’entourage de monsieur l’honorable aurait exigé qu’on lui présente la liste de questions avant de faire l’entrevue. À RDS! En langage de hockey comme en politique, ça s’appelle être furieusement control freak…
Les émissions de variétés (les tribunes sportives en sont) ont cette fâcheuse habitude de recevoir des élus sur leurs plateaux en échange du silence sur leurs fonctions politiques. Ça ne devrait pas se faire. Pas que je m’attende à ce que l’animateur de l’Antichambre serve à Stephen Harper un interrogatoire serré sur les politiques de son gouvernement, ce n’est ni son travail, ni dans son champ de compétence. Mais de là à contribuer à une free ride…
Ce n’est pas d’hier que des politiciens se tapent des voyages en blanc à la télé. Me rappelle avoir vu Daniel Johnson fils venir chanter du Elvis (tout croche) à Cha-ba-da et Camil Samson «stepper» une gigue à Appelez-moi Lise. Me souviens même, du temps où j’étais recherchiste, que l’attachée de presse du ministre de la Faune Guy Chevrette nous avait appelés pour nous offrir, en exclusivité (!), une démonstration donnée par son patron sur la bonne manière d’enfiler un hameçon au bout d’une ligne à pêche. À la seule condition de ne pas aborder la question des cours d’eau pollués du Québec, bien entendu. Me souviens aujourd’hui, avec une certaine fierté, qu’on n’avait pas mordu à l’appât.
Pas toujours obligé de faire le poisson, quand même…
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.