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Rouge pression

Mes hommages. Les trottoirs sont-ils bien déblayés devant chez vous? Avez-vous porté une attention toute particulière au semage de grenailles et de petites roches sur les chemins et escaliers du pâté? C’est que, voyez-vous, je m’inquiète.

Oh oui; à peine venons-nous de nous glisser le cuisseau dans le deuxième mois de l’année que me v’là à me faire du mauvais sang pour ceux et celles dont la petite veine du front deviendra bientôt montgolfière à l’approche de la date fatidique.

Plus que 12 jours. Douze jours avant la Saint-Valentin (je vous taquine le sujet, puisqu’au moment de publier ma prochaine chronique, la divine fête des petits becs dans le cou aura déjà fait moult victimes et/ou heureux transis).

Chaque année, la Saint-Valentin est cette fête sur laquelle régurgitent toutes sortes d’agneaux; certains seuls, d’autres, meurtris par des amours passées, et d’autres, en couple fermement décidé à ignorer la commerciale festivité. J’appartiens, d’une année à l’autre, à une catégorie différente, au gré du vent et de mes envies de sourcils en accent circonflexe.

Mais chaque année, je me vois aussi fascinée du bulbe par toutes ces personnes qui ne semblent pas avoir leur mot à dire sur la chose. Qui, malgré leurs réticences, leur absence d’intérêt pour les bas de nylon rouge clair et les soupers en amoureux au resto, cordés avec 862 autres couples brûlants d’une vacillante flamme alimentée par les moules et frites, se doivent d’obtempérer.

De jouer le grand théâtre de la séduction, de la surprise fomentée pendant des semaines et des grands sparages qui étourdissent le cœur, sans quoi l’apocalypse. Les remontrances de l’autre. Ses espoirs diamantés, amèrement déçus jusqu’à Pâques.

Bon. Je me relis le propos et m’aperçois un peu dramatique, mais toutes les Saint-Valentin, avant même de brandir le poing en déclarant qu’y’a personne qui décidera de quand je dois organiser une soirée romantique et me la jouer féline sous le jean, j’ai le cœur serré pour ceux que je croise (et j’en croise tous les ans), courant comme des biches effarées sur le trottoir glacé, à la recherche d’un bouquet de fleurs de dépanneur ou d’entrée d’épicerie «qui pourrait faire l’affaire».

Les regards hagards de type «ciboire, j’ai oublié de lui acheter une surprise» et les souffles haletants dans la première boutique de réguines et cossins féminins-sexés-glitter-amour.

Jamais je n’oserais me prononcer sur votre droit tout rutilant de prendre plaisir à fêter la Saint-Valentin. Je vous invite simplement, discrètement, à prendre le pouls de votre partenaire.

Allez-y d’abord avec douceur, pendant son sommeil, deux doigts à la jugulaire. Il/elle est en vie? C’EST UNE BONNE NOUVELLE. Maintenant, au petit matin, devant une petite toast à la graisse de rôtie, tâtez le pouls de son enthousiasme à l’égard de la festivité imposée.

Ses yeux s’injectent-ils de sang en repérant les sorties de secours? Percevez-vous la sueur jaillir en spray de sa moustache? La frayeur? Le mayday? Ce sont des petits signes à prendre en note sur un Post-it.

Qui sait; lui éviter une violente chute sur un trottoir de givre, les bras chargés d’œillets du Provi-soir, pourrait être le plus beau des cadeaux à offrir à votre Valentin cette année.

La bise.

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