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Changements climatiques: comment convaincre les politiciens d’aller plus loin?

Un manifestant tient une pancarte disant «j'ai chaud câliss» pendant une grève pour le climat.
Photo: Josie Desmarais/Métro
Seth Wynes - La Conversation

Lors des dernières élections fédérales, les politiciens ont beaucoup parlé de la fin des subventions aux pétrolières et ont dit vouloir financer les véhicules électriques pour lutter contre les changements climatiques. Mais aucun des grands partis n’a vraiment voulu toucher aux habitudes de consommation des Canadiens, une avenue aussi peu populaire que cruciale. Que faut-il faire pour convaincre les politiciens d’aller plus loin?

Par Seth Wynes, Concordia University

À l’approche des négociations sur le climat qui auront lieu en novembre sous la direction des Nations unies, les citoyens de monde entier ont de quoi se montrer pessimistes quant aux efforts que les gouvernements déploieront pour lutter contre les changements climatiques. Si les politiques actuelles sont maintenues, la température de la planète augmentera de 2,7 °C, soit plus du double du réchauffement que nous connaissons actuellement – qui provoque déjà de nombreux désastres naturels – et un écart de loin supérieur à l’objectif de 1,5 °C sur lequel les pays du monde se sont entendus.

Pour les Canadiens, qui se sont exprimés lors des récentes élections, est-il possible de faire plus?

Les manifestations pour l’environnement s’avèrent efficaces pour réduire les émissions, car elles contraignent les gouvernements à fermer les centrales polluantes ou à adopter de nouveaux règlements. Il y a donc lieu de croire que les récentes grèves pour le climat peuvent contribuer à mettre les politiciens au pas. Mais comment les citoyens peuvent-ils parler directement aux élus ?

Les campagnes générales par courriel sont-elles efficaces?

Dans le cadre d’une enquête récente, mes collègues et moi avons utilisé une expérience en situation réelle pour déterminer si les campagnes génériques par courriel peuvent persuader les élus à agir pour le climat. Avec l’aide de l’organisme apolitique Evidence for Democracy, des électeurs ont envoyé un courriel à leur député lui demandant de publier sur son compte Twitter le message suivant :

La science nous dit que les changements climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes menacent la santé publique : asthme, coups de chaleur, propagation des maladies, etc. Merci aux jeunes qui ont exprimé leur inquiétude #VendrediPourLavenir #MarchePourLaScience

Un seul député a relayé le message tel quel sur son fil Twitter. Toutefois, nous avons constaté que les députés ayant reçu d’autres courriels leur demandant de publier des gazouillis sur les changements climatiques l’ont fait, mais dans leurs propres mots au lieu de reprendre le message suggéré par leurs électeurs.

Nous en avons conclu que les courriels sont lus dans les bureaux des députés et que ces derniers y répondent de temps à autre. Toutefois, les courriels provenant de sites Web d’organismes de défense d’intérêts (par exemple, «cliquez ici pour écrire à votre député») n’ont peut-être pas l’effet de persuasion escompté.

Ce qu’en pensent les attachés politiques

Dans le cadre d’un suivi, nous avons interviewé les attachés politiques, c’est-à-dire les personnes qui décident des messages à transmettre aux députés. La plupart nous ont dit que les communications qui demandent un plus grand effort des électeurs (appels téléphoniques, lettres écrites à la main, courriels personnalisés, etc.) sont prises davantage au sérieux.

D’autres affirment lire toutes les communications, quelle qu’en soit la forme. L’un d’entre eux précise : « Lorsque nous recevons une lettre, quelqu’un doit physiquement l’ouvrir et la lire. Les courriels, nous en recevons tellement… Cela ne veut pas dire que nous ne les lisons pas, mais nous y jetons parfois un coup d’œil rapide, puis nous passons au suivant. »

Graphique des tweets pro-climat par parti politiques
Certains députés mentionnent souvent les changements climatiques, alors que d’autres n’en parlent presque jamais. Cette figure illustre les pourcentages de messages publiés par les députés du Canada pendant une période de 17 jours en mai 2019 ; les députés les plus prolifiques y sont indiqués. (Seth Wynes), Author provided

Points à retenir pour les militants

Malgré cela, les militants qui planifient leur campagne ne devraient pas nécessairement renoncer aux communications numériques.

Tout d’abord, il y a des compromis à faire quant au volume de lettres manuscrites que vous pouvez envoyer par rapport aux courriels. Mais parfois, un courriel est aussi efficace qu’une conversation téléphonique bien sentie. Les attachés politiques soumettent à la permanence de leur parti une liste des communications avec les électeurs, sur laquelle les modes de communication utilisés ne sont pas indiqués. Les parties se servent ensuite de ces données brutes pour concevoir leurs politiques et leur message.

Cela nous indique que les campagnes et les électeurs peuvent communiquer de manière stratégique. Pour influer sur l’orientation d’un parti pendant qu’il ébauche sa plate-forme, l’envoi de courriels « copiés-collés » est probablement acceptable. Par contre, si vous écrivez à un ministre, il est préférable d’utiliser un moyen qui captera son attention – et qui mènera à un entretien, dans la mesure du possible.

En 2020, le Conseil des ministres libéral a tenu une réunion afin de déterminer s’il fallait approuver le projet d’exploitation de sables bitumineux Teck Frontier. Les rapports suggèrent que les préférences des électeurs ont été l’une des principales motivations des membres opposés à ce projet d’infrastructure de combustible fossile, et qu’elles ont contribué à convaincre les autres participants à la réunion.

En général, plus les messages sont nombreux, plus leur effet de persuasion est grand. Il est donc préférable de faire appel à un groupe d’amis et de coordonner vos envois, ou encore de faire coïncider vos messages avec des activités d’envergure sur le climat. Voilà un point que les organisateurs de grèves pour le climat devraient prendre en compte. Selon une étude, le groupe de personnes le plus représenté lors des manifestations Vendredi pour l’avenir est celui des adolescents, mais seuls 10 % de ces adolescents ont déjà communiqué avec un élu.

Encore plus de communications sur le climat

Même si plusieurs attachés politiques que nous avons interviewés ont dit que les électeurs leur parlent souvent des changements climatiques, d’autres ne reçoivent aucune communication à ce sujet. L’un d’eux nous a confié que la plupart des communications sont envoyées automatiquement à partir de sites Web, donc qu’elles ne sont pas personnalisées. Un autre trouve étonnant et malheureux qu’il y ait si peu de militants pour la lutte contre les changements climatiques.

Si vous envoyez un message ou téléphonez à un député, ajoutez-y une touche personnelle. Expliquez-lui les conséquences des changements climatiques pour vous et vos proches, et parlez-lui de vos inquiétudes pour l’avenir. Ensuite, vous pourrez demander la mise en place de politiques plus ambitieuses et plus contraignantes, et exiger du gouvernement qu’il accorde la priorité aux changements climatiques et qu’il prenne des mesures rapidement.

Dans ce domaine, la rapidité d’action est primordiale. Vous n’avez pas besoin d’attendre les prochaines élections pour vous exprimer.

Par Seth Wynes, Postdoctoral fellow au départment de Géographie, Planning et Environment, Concordia University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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