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Un récidiviste nommé Jolin-Barrette

Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette / Josie Desmarais/Métro Photo: Josie Desmarais

CHRONIQUE – Alors que les regards étaient tournés vers l’occupation d’Ottawa s’est produit, dans la Vieille Capitale, un nouvel attentat à la séparation des pouvoirs. Le genre qui, dans un État de droit qui se respecte, ferait hurler à grands cris. Au banc des accusés, l’incorrigible récidiviste du gouvernement Legault: Simon Jolin-Barrette. 

Récidiviste? Oui, malheureusement.

Comme la fois où il qualifiait de «saugrenu» un recours intenté en Cour supérieure qui visait à l’empêcher de détruire 18 000 dossiers d’immigration en vertu d’une loi… non encore adoptée. Défaite, sans surprise, du ministre.

Comme la fois où, dans une affaire d’enlèvement international, cette même Cour supérieure devait blâmer sévèrement son ministère, au point de lui imposer, chose rarissime, des dommages-intérêts moraux et exemplaires.

Comme la fois où, pour la première fois de l’histoire de la Charte québécoise, il amenda cette dernière non seulement sans l’unanimité de l’Assemblée nationale, mais aussi sous bâillon. 

Comme la fois où il placarda la dérogatoire à l’ensemble de son projet de loi 96, sans être en mesure de justifier ou de légitimer, en conférence de presse, pareille manœuvre bulldozer. 

Comme la fois où il s’engagea dans un bras de fer, par définition odieux, avec la juge en chef de la Cour du Québec sur la question des tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle, refusant à celle-ci la liberté d’exprimer son opposition lors de la commission parlementaire tenue à cet égard. 

En bref, la cour, sans mauvais jeu de mots, est pleine. Assez, du moins, pour forcer la démission, sinon le congédiement, du ministre zélé. Quel successeur, tant à l’échelle québécoise que fédérale, a bénéficié d’une telle immunité après des frasques d’une ampleur similaire? On cherche encore. 

Or, fort de l’appui apparent d’un premier ministre nonchalant ou complice, allez savoir, le ministre-bully devait poursuivre son oeuvre de démolition sur la jadis forteresse de l’État de droit.

Et comment? En rajoutant de l’huile sur un feu déjà bien nourri, soit celui l’opposant à la juge en chef de la Cour du Québec, cette fois quant au bilinguisme des juges. 

L’évidence est, pourtant, visible à l’œil nu: la Cour a l’obligation d’offrir une audience en anglais si un accusé le demande. Et comme la juge en chef le mentionne elle-même: «On n’est souvent pas capables de savoir dans quelle langue les gens vont se présenter devant le tribunal. Ils ne prennent pas rendez-vous avant de se faire arrêter!» 

L’entêtement de Jolin-Barrette à ne pas répondre adéquatement à cette requête affecte ainsi, manifestement, tant le principe d’indépendance judiciaire que celui du respect des obligations constitutionnelles applicables.

La réponse du ministre? 

Ceci: «Les Québécois et les Québécoises ont le droit d’être entendus dans leur langue; il n’y a pas de doute là-dessus.»

Incroyable. Un juge BILINGUE, au QUÉBEC, qui ne parlerait pas… FRANÇAIS? C’est lourd, cette mauvaise foi constante, sérieux. 

Toujours en réponse aux critiques de la juge, il poursuit: «Ce n’est aucunement une question d’indépendance judiciaire.» 

Dans une décision récente, la Cour supérieure, sous la plume de l’honorable Christian Immer, s’inscrit en faux quant à cette nouvelle bêtise du ministre de la Justice. 

Parce que oui, imaginez donc, la posture psychorigide du principal intéressé en vint à provoquer l’inusité, sinon l’iconoclaste: une poursuite en bonne et due forme intentée par la juge en chef. 

Comme le précise sa demande, elle se voit contrainte «de solliciter urgemment l’intervention de cette Cour parce que les avis font fi des besoins de la Cour du Québec exprimés par la juge en chef pour certains postes de juges à la Cour, et ce, à la suite d’une ingérence illégale du ministre de la Justice». 

Virulent, le juge Immer conclut effectivement au caractère illégal de l’intervention, et ajoute: «Le ministre de la Justice ne jouit d’aucun pouvoir quant à la rédaction des avis de sélection des candidats à la fonction de juge à la Cour du Québec.» 

Il casse ensuite cinq avis précis dans lesquels les demandes de la juge en chef n’ont pas été respectées, et ce, en raison de l’intervention du ministre.

De toute beauté. Mais le meilleur, ou plutôt le pire, reste à venir. 

Lors d’un débat en Chambre, le député Gaétan Barrette lui a demandé s’il considérait qu’il était «à la hauteur de sa fonction» après son geste illégal. La réponse du ministre Jolin-Barrette? Et bien… il n’a pas répondu. «Est-ce que je dois comprendre que la position du Parti libéral du Québec, c’est d’exiger systématiquement la maîtrise de la langue anglaise pour pouvoir soumettre sa candidature à un poste de juge au Québec?», a-t-il lancé.

Des avocats auront été radiés pour moins. 


Une version antérieure de ce texte attribuait erronément à Simon Jolin-Barrette une citation affirmant qu’il pouvait commettre un geste illégal si ses intentions étaient bonnes. Il s’agissait plutôt de commentaires émis par un député de l’opposition à son sujet. Nous indiquions également que le ministre avait été condamné à payer des dommages-intérêts dans une affaire d’enlèvement, mais c’est son ministère et une fonctionnaire qui étaient visés par ce jugement.

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