En patrouille pour prévenir la violence
Chaque soir, les policiers de l’escouade Éclipse du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) patrouillent des lieux clés de la métropole pour lutter contre la criminalité et la violence armée. Leur rôle : apaiser les tensions et recueillir de l’information sur les groupes criminalisés. Incursion dans le quotidien de ces agents spécialisés dans le crime.
La soirée commence à 19h45 par un rassemblement d’échange d’information.
Ce soir, cinq duos iront à des endroits jugés clés. Si une tentative de meurtre a eu lieu dans un secteur de l’île, des membres de l’escouade s’y rendront dans les jours suivants pour rassurer les citoyens et prévenir une éventuelle réplique.
Les patrouilleurs vont aussi dans les lieux où ils sont susceptibles de rencontrer des membres du crime organisé. Il ne s’agit pas d’endroits miteux, mais de chics bars de la métropole, de partys VIP et de grands restaurants du centre-ville. Des endroits où les policiers pourront reconnaître les gens qu’ils connaissent et en identifier de nouveaux.
On les connaît, ils nous connaissent. Donc, ils savent qu’on les a vus. Le but, c’est de s’assurer qu’ils restent tranquilles, que tout le monde a une bonne soirée, qu’il n’y a pas d’événement majeur qui se développe dans un endroit licencié.
Sergent Charles Blemur
Un «mal nécessaire»
À l’occasion de la visite de Métro, le commandant David Paradis et le sergent Charles Blemur forment un duo. Il n’est pas possible de citer et d’identifier les autres policiers, pour ne pas perturber leur travail.
On se dirige vers un restaurant du Vieux-Port, non loin de l’endroit où une fusillade a fait quatre blessés il y a deux ans. Les policiers en uniforme entrent, parlent aux gens et saluent le propriétaire. S’ils ne travaillent pas en civil, c’est pour être visibles, calmer le jeu par leur simple présence.
Chaque visite d’Éclipse est un « mal nécessaire » pour les propriétaires d’établissements et les personnes qui les fréquentent, croit le sergent Blemur.
«On ne va pas déranger les gens pour rien si on sait qu’ils font partie du crime organisé, on va les saluer d’un signe de tête, leur dire bonsoir», explique le policier.
On est un mal nécessaire. Quand on rentre dans un club à plusieurs, l’ambiance change un peu le temps de notre présence. Mais si des gens avaient des armes à feu, ou des mauvaises intentions, ça les calme. Parce qu’ils savent qu’ils ont été vus par la police.
Sergent Charles Blemur
Intervenir ou non
S’ensuivent des visites de bars de danseuses du centre-ville, de moins en moins nombreux par rapport aux salons de massage qui poussent comme des champignons aux alentours, nous indique-t-on.
Une policière s’approche de deux hommes assis au bar. Le temps de quelques blagues, elle réussit à voir leurs cartes d’identité. L’équipe a vérifié si les noms sont dans le système. Résultat : personne n’était en bris de condition.
Lors de chaque visite, les membres de l’équipe portent aussi attention à la gestuelle des gens « connus » pour voir si certains sont susceptibles d’avoir une arme à feu sur eux, en vue d’intervenir ou non. « Chaque situation est différente et demande une évaluation pour voir si on va procéder à une arrestation », explique le sergent Blemur.
Soutenir les postes de quartier
Le commandant David Paradis nous explique que l’équipe a comme mission de faire des patrouilles actives comme celle de soir, mais aussi de soutenir les postes de quartier et les enquêtes en lien avec des événements violents.
Par exemple, ce soir, deux des cinq duos d’Éclipse ont été déployés pour soutenir les enquêteurs d’un poste de quartier, en attente d’un mandat de perquisition. «Ils étaient en observation sur les lieux, bloquaient l’accès. Maintenant que le mandat est obtenu, ils vont collaborer avec les enquêteurs pour effectuer la perquisition», rapporte le commandant Paradis.
La patrouille se poursuivra jusqu’à quatre heures du matin. Lorsque nous quittons, vers minuit, nous n’avons été témoins d’aucune arrestation. S’agit-il d’une soirée réussie?
«Si on intervient dans un endroit à risque et que rien ne se passe, c’est un succès», souligne le sergent Blemur. Dans la plupart des cas, c’est ce qui arrive et chacun rentre à la maison «en un seul morceau.»
14 ans de lutte contre le crime
La police de Montréal a créé l’Escouade Éclipse en 2008 pour lutter contre la criminalité et les gangs de rue. À l’époque, l’équipe agisssait sur trois fronts: les gangs de rue, la drogue et la cybercriminalité. Le mandat a évolué pour se concentrer sur la lutte au crime organisé, puis sur la prévention des violences armées. En avril, l’équipe a doublé son nombre de patrouilleurs de 24 à 48 patrouilleurs. Depuis janvier, elle intervient aussi de jour.
Éclipse et ELTA
Le commandant David Paradis est à l’origine de la création, en 2020, de l’équipe dédiée à la lutte contre le trafic d’armes (ELTA) du SPVM, qui est par la suite devenue une unité mixte sous l’égide de la Sureté du Québec. Cette équipe vient compléter le travail d’escouades comme Éclipse en s’attaquant à l’approvisionnement en armes à feu, un phénomène qui dépasse largement les frontières de Montréal et même de la province, souligne le commandant Paradis.