«Une année difficile pour le droit au logement», alertent des organismes
À la lumière du Rapport sur le marché locatif publié ce matin par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) mettent en garde contre «une année difficile pour le droit au logement», en 2023.
«Non seulement les taux de logements inoccupés diminuent-ils dramatiquement, mais les loyers, eux, accélèrent leur escalade. Nous ne sommes pas loin de la tempête parfaite, si on prend également en considération le nombre élevé d’évictions dues à la spéculation», alerte Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.
Un marché locatif en déséquilibre
Le FRAPRU pointe du doigt la chute des taux de logements inoccupés au Québec, qui se trouvent maintenant sous le seuil d’équilibre de 3% dans toutes les régions métropolitaines de la province. À l’échelle provinciale, ce dernier a dégringolé de 2,5% à 1,7%. À Montréal, il s’établit à 2% contre 1,5% à Québec. Ce même taux a plongé sous la barre des 1% à Saguenay, Sherbrooke et Trois-Rivières, où il s’établit à 0,9%.
Le gouvernement québécois considère que le marché locatif est équilibré quand ce taux est de 3% et qu’il est en crise lorsque le taux approche ou est inférieur à 1%.
«Bien que le taux d’inoccupation est une donnée fréquemment utilisée pour déterminer l’existence ou non d’une crise du logement et que les taux d’inoccupation sont très bas partout au Québec, c’est surtout l’explosion incontrôlée des loyers qui restreint l’accès à un logement convenable et accélère l’appauvrissement des ménages locataires», nuance le RCLALQ.
Selon le FRAPRU, des taux si bas laissent présager une période de déménagements tumultueuse.
«Des taux aussi faméliques compliqueront sérieusement la recherche de logements. Le FRAPRU s’attend donc à une période des déménagements au moins aussi compliquée que celle de 2022, alors que 4000 ménages ont dû faire appel aux services d’aide au logement de leur municipalité – là où il y en avait un – et que plus de 600 d’entre eux étaient toujours sans logis au lendemain du 1er juillet.»
Explosion des loyers
D’après le RCLALQ, les loyers devraient continuer d’augmenter en 2023 à travers la province. Le groupe anticipe «une hausse de loyers dramatique dans tout le Québec».
Selon les chiffres du rapport, 30% des municipalités du Québec ont connu une augmentation des loyers supérieure à 10% en 2022. Dans la grande région de Montréal, 51% des quartiers et municipalités ont vu leurs loyers grimper de plus de 10%.
Cette hausse s’élève à 12,2% pour Côte-des-Neiges/Mont-Royal/Outremont , 11,4% pour Hochelaga-Maisonneuve, 11,4% pour Rosemont-La Petite-Patrie et 11,3% pour Ahuntsic-Cartierville.
«Les locataires sont pris au dépourvu avec des loyers qui grimpent plus vite qu’une inflation déjà galopante», fustige le RCLALQ. Ce dernier exhorte la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, à décréter un gel immédiat des loyers et à déployer «des mesures de contrôle permanentes pour stopper la flambée des loyers».
«Le gouvernement du Québec et la ministre responsable de l’Habitation ne peuvent rester les bras croisés; il faut geler immédiatement les loyers, et par la suite plafonner les hausses», a déclaré Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ.
L’explosion des loyers enfonce de plus en plus de ménages locataires dans la précarité. Ces ménages subissent de plein fouet la hausse importante des coûts de tous les besoins essentiels.
Cédric Dussault, porte-parole du RCLALQ
Construire plus de logements, la solution?
Véronique Laflamme, du FRAPRU, estime que de construire davantage de logements ne résoudrait pas le problème. Elle tord le cou à l’hypothèse qui dicte qu’avoir plus d’unités disponibles permettrait de libérer des logements abordables pour les ménages les plus modestes.
«Les logements chers tirent l’ensemble des loyers vers le haut», contraste-t-elle. Le FRAPRU appelle plutôt le gouvernement à «assumer ses responsabilités à l’égard du droit au logement» et réclame le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux sous différentes formes au cours des cinq prochaines années: logements publics gérés par les offices municipaux d’habitation, coopératives et organismes sans but lucratif d’habitation.
Le FRAPRU demande par ailleurs un contrôle obligatoire de tous les loyers privés ainsi que la mise sur pied d’un registre des loyers permettant aux locataires de tracer leur évolution.