Le dernier métro

Station de métro Beaubien, direction Montmo­rency. C’est jeudi, il est 20 h.

Nous sommes plusieurs qui, côte à côte, fixons le métro d’en face. Il vient de s’immobiliser et accueille des passagers, nous laissant percevoir par ses fenêtres illuminées ceux qui y entrent et ceux qui, déjà installés, poursuivent leur trajet.

Cette perspective me donne souvent l’impression que nous sommes devant un film au sein duquel cohabitent, en paral­lèle, diverses scènes. Comme si le métro était une bande de pellicule ou encore une suite de studios où se déroulent plusieurs actions.

Par exemple, cet homme qui a déployé son journal est intensément troublé par la nouvelle dans laquelle il est plongé. Peut-être est-il directement concerné, comme dans Inception, par une affaire d’espionnage industriel?

Dans la voiture voisine, une dame se parle à elle-même. Elle semble réciter un poème à un interlocuteur imaginaire. Elle tourne le dos à un jeune homme, réel celui-là, qui, dans l’autre wagon, fixe l’horizon. Peut-être sont-ils amants, tels les personnages de The End of the Affair ou de Fatal Attraction, et feignent-ils ici ne pas se connaître vu l’illégitimité de leur liaison? J’ai soudainement une pensée pour l’inoubliable scène de la casserole… et du petit lapin.

Le métro d’en face se met finalement en branle et disparaît, sans générique de fin, dans l’obscurité du tunnel. Le nôtre arrive bientôt.

C’est alors que nous, les «spectateurs» d’il y a quelques secondes, devenons à notre tour acteurs pour les quelques usagers épars qui ont déjà pris place sur le quai d’en face. Nous sommes observés tels les locataires suspects des fenêtres arrière de Rear Window.

Je m’assieds près de la fenêtre et observe le quai qui bientôt s’éloigne, me promettant de revoir Isabelle Adjani et Christophe Lambert dans Subway et, surtout, de regarder à nouveau Le dernier métro.