Radio Centre-Ville en plein trouble
D’ex-animateurs et membres de longue date de Radio Centre-Ville dénoncent «une dérive» de cette radio communautaire montréalaise qui prendrait un «virage commercial». Ils en feront l’annonce jeudi matin en conférence de presse.
Ces derniers s’indignent de la coupe, depuis septembre 2016, de nombreuses émissions au profit d’une nouvelle grille décriée. Des programmes culturels, mettant en avant des auteurs, des acteurs, des pièces de théâtre ou des artistes méconnus issus de différentes communautés, ont notamment été négligés au profit de multiples rubriques provenant d’intérêts privés. Une location du temps d’antenne censée renflouer les caisses d’une station en grande difficulté financière.
«On a vendu l’âme de cette radio», dénonce Nathalie de Han, animatrice durant 16 ans à Radio Centre-Ville, qui a vu son émission culturelle hebdomadaire d’une heure s’arrêter brutalement. «C’est désolant, car on était là pour donner une voix à des citoyens qui n’ont pas la parole dans les grands médias. C’est pourtant la mission d’une telle radio communautaire», reprend Pascal Lapointe, ex-animateur d’une émission scientifique créée en 2008, diffusée à présent sur Radio VM.
Comme l’indique un «Plan d’action pour l’exercice 2016-2017» dont Métro a obtenu copie, ces «locations» sont censées rapporter près de 11 000$ mensuels. «Bien exploitée, cette rubrique a un potentiel réel de 150 000$ annuellement», écrit le directeur général par intérim, Wanex Lalanne Zéphyr.
Alors que ce dernier compte également sur des annonces nécrologiques payantes, avec des revenus estimés à 4 300$ mensuels, cette première décision aurait déjà permis «d’effacer certaines dettes». Celles-ci ont notamment été provoquées par la perte d’une subvention annuelle de plus de 100 000$ de Centraide et «la chute vertigineuse de ses ventes de publicité», qui ont conduit au renvoi d’une demi-douzaine d’employés.
Marguerite Poulin et Pascal Lapointe
«On se bat pour la dignité d’une belle radio»
Bien qu’ayant conscience des problèmes budgétaires d’une radio multilingue fondée en 1975, ces ex-animateurs reprochent un manque de dialogue, notamment après le net refus, le 4 décembre dernier, d’une Assemblée générale spéciale d’adopter cette nouvelle programmation. Un vote qui n’a pas été suivi par le directeur général, qui, selon le règlement de Radio Centre-Ville, a pourtant «le pouvoir de répartir le temps d’antenne».
«C’est une injustice et c’est choquant», commente Marguerite Poulin, qui a présenté une émission littéraire à partir de 1994 et qui dit «se battre pour la dignité d’une belle radio». «C’est un déni de la démocratie et c’est triste si on se souvient que cette station a été fondée par des communautés immigrantes qui ont fuit les régimes autoritaires», renchérit Pascal Lapointe.
Un sentiment partagé par Roberto Nunez, membre actif de l’équipe hispanophone de Radio Centre-Ville, qui évoque un «manque de respect». On n’est pas contre l’apport de revenus supplémentaires, mais on ne nous consulte pas», déplore-t-il, avant de réclamer la publication des états financiers. «On a fait plusieurs demandes, on veut savoir, comprendre ses décisions, assure-t-il. «Je suis découragée, soupire Nathalie de Han. Ce serait tellement dommage de perdre cet espace de dialogue, de liberté, qui est la force de notre radio.»
Le directeur de Radio Centre-Ville, Wanex Lalanne Zéphyr, n’a pas retourné les appels de Métro.