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Des médecins trop payés pour surveiller les superinfirmières, plaide l’IRIS

Photo: Archives Métro
Henri Ouellette-Vézina - Métro

Une étude de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) parue ce jeudi plaide que les médecins du Québec sont trop bien payés pour surveiller le travail des «superinfirmières», elles qui figurent pourtant parmi les mieux formées à l’échelle du Canada.

«On est l’une des seules provinces où les médecins doivent superviser ce que font les infirmières praticiennes spécialisées (IPS)», explique à Métro la chercheure Anne Plourde, qui signe l’étude en question.

Elle condamne que cette pratique «ait un coût considérable, surtout dans le contexte où le gouvernement québécois a un plan pour agrandir son nombre de superinfirmières». «C’est très positif en soi, sauf qu’on évalue à environ 100 M$ la somme qui sera nécessaire d’ici 2026-2027 pour les surveiller», poursuit l’experte.

L’IRIS estime qu’en cabinet privé, pour surveiller les IPS, les médecins reçoivent chaque mois la somme de 2680$, en moyenne, ainsi qu’un montant supplémentaire de 2500$ pour «couvrir les frais d’exploitation liés à leur présence» en clinique. Cela représenterait un total de quelque 62 000$ pour chaque médecin par infirmière spécialisée, un montant «cinq fois plus élevé» que dans le secteur public et supérieur au salaire annuel des six premiers échelons de l’échelle salariale des IPS, d’après les données de l’organisme.

Celui-ci ajoute, dans sa note de publication, que les médecins auront accumulé «plus d’un demi-milliard de dollars (513,3 M$)» d’ici 2027 «pour la surveillance des IPS et les frais d’exploitation qui y sont associés».

«On recommande carrément de mettre fin à cette surveillance médicale-là qui n’est pas du tout justifiée. On est les seuls à surveiller nos infirmières spécialisées.» -Anne Plourde, chercheure à l’IRIS

Jusqu’ici, nuance Mme Plourde, les coûts ne sont pas encore «astronomiques», comme le Québec ne compte que cinq infirmières spécialisées par 100 000 habitants. En Ontario, ce chiffre est déjà de 22.

«Quand on sait que ce nombre risque d’exploser dans les prochaines années, on réalise aussi que les coûts de surveillance vont bondir de manière importante», fait remarquer la chercheure.

Appelé à réagir sur cette question, le cabinet du ministère de la Santé a assuré à Métro «que des discussions ont lieu en ce moment entre le Collège des médecins et l’Ordre des infirmières du Québec (OIQ) sur ce qui pourrait être permis» au niveau des IPS. Cela inclurait la rémunération des médecins dans la supervision des infirmières spécialisées.

«On veut faire les choses dans l’ordre. Il y a un processus en cours, et on va le laisser aller.» -Le cabinet du ministère de la Santé, préférant ne pas émettre de commentaires supplémentaires.

Le prochain conseil d’administration du Collège des médecins doit se tenir le 26 avril prochain.

La FMOQ s’indigne
Joint par Métro, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Louis Godin, dit vouloir «replacer les choses» dans leur contexte. «La première moitié de la rémunération dont on parle sert essentiellement à payer ce que ça coûte d’installer une IPS dans un cabinet privé. Ça inclut les frais de loyer, de secrétaire, d’espaces communs, de chauffage, d’informatique, de télécommunications, bref beaucoup de choses», explique-t-il.

Il condamne que l’information rapportée dans l’étude de l’IRIS soit manipulée. «De sous-entendre qu’un médecin touche 60 000$ par année sur le dos des IPS, c’est pour le moins particulier», s’indigne-t-il.

«Je trouve ça malheureux qu’on lance des chiffres comme ça et qu’on donne l’impression que les médecins sont rémunérés pour des choses qu’ils ne méritent pas. On mélange plein de choses.» -Louis Godin, président de la FMOQ

«D’aucune façon, les médecins ne tirent profit de ça, assure-t-il. On parle de surveillance, mais dans les faits, ce sont beaucoup plus des discussions de cas, où les médecins ont à échanger avec les infirmières, avec qui ils ont souvent des patients communs. C’est de la rémunération pour du travail personnel du médecin.»

Selon lui, «tout le monde, même les porte-paroles des IPS, pense que ces échanges sont nécessaires». Il soutient qu’une infirmière spécialisée peut être amenée à collaborer avec une dizaine de médecins au quotidien. «On a environ 400 IPS en première ligne et 2000 médecins de famille qui les accompagnent. Ces médecins-là ne touchent pas tous 30 000$, mais bien une fraction du montant, justement parce qu’ils partagent des patients avec les infirmières», dit le président.

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