Les pistes cyclables et rues piétonnes inquiètent des commerçants
Des commerçants montréalais se disent inquiets du plan de déplacements estival de la Ville de Montréal, qui entraînera le retrait de nombreuses places de stationnement afin d’installer des pistes cyclables et des rues piétonnes. Pour plusieurs, les livraisons et les commandes pour emporter sont devenues des bouées de sauvetage pendant le confinement.
Vendredi dernier, la Ville de Montréal a dévoilé les premiers détails d’un plan audacieux qui prévoit l’aménagement d’environ 200 km de voies dédiées aux piétons et aux cyclistes à travers la métropole. En tenant compte des 127 km de voies cyclables déjà prévus cette année, ce sont donc environ 327 km de voies cyclables et piétonnes qui verront le jour cet été dans la métropole.
Les premiers travaux, qui commenceront en juin, concerneront plusieurs artères commerciales, dont le boulevard Saint-Laurent, la rue Saint-Denis et l’avenue du Mont-Royal. Cette dernière deviendra d’ailleurs complètement piétonne, ce qui préoccupe plusieurs commerçants.
Livraisons difficiles
«En théorie, oui, c’est beau, les gens vont marcher, ils vont manger au restaurant et aller à l’épicerie. Mais en réalité, ce n’est pas aussi facile que ça. Nous, les commerçants, on veut l’accès le plus facile [à notre établissement]», souligne à Métro le propriétaire du restaurant et de la boulangerie St-Viateur Bagel de l’avenue du Mont-Royal, Vincent Morena.
Face à la crise du coronavirus, ce dernier a décidé de miser sur la vente en ligne et de multiplier les livraisons afin de limiter ses pertes financières. Or,«les gens qui viennent chercher la livraison ont besoin d’un stationnement en avant, au moins pour un peu de temps», soulève le commerçant.
Bernard Tessier, qui possède une boutique de vêtements du même nom sur l’avenue du Mont-Royal, s’inquiète aussi du retrait à venir d’espaces de stationnement près de son commerce, qui devrait rouvrir le 25 mai. «On a beaucoup de clients qui viennent en auto», souligne-t-il, tout en reconnaissant que la piétonnisation de l’artère pourrait aussi avoir des impacts positifs.
«Ça se peut que ça soit un autre clou dans le cercueil. Mais ça se peut aussi qu’en fermant la rue, ça nous donne de nouveaux clients.» -Bernard Tessier, commerçant
Aucune consultation des commerçants
À l’instar de l’opposition officielle, des commerçants déplorent que la Ville n’ait pas sondé leur opinion avant d’annoncer les pistes cyclables et rues piétonnes en grande pompe le 15 mai.
«Pour l’avenue du Mont-Royal, c’est la société de développement commercial de l’avenue qui nous a demandé de piétonniser la rue», souligne toutefois à Métro le maire du Plateau-Mont-Royal et responsable du développement économique à la Ville, Luc Rabouin.
Contacté par Métro, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, souligne également l’importance de préserver un accès aux voitures aux artères commerciales visées par ce plan. Il propose ainsi le retrait des vignettes de stationnement autour de celles-ci afin de «simplifier la vie des gens qui se déplacent en voiture».
Luc Rabouin réplique toutefois que plusieurs places de stationnement sans vignettes sont déjà disponibles dans les rues résidentielles, ce qui devrait être suffisant, selon lui.
«Je me promène dans le Plateau chaque jour et il n’y en a pas d’autos. Les piétons sont collés les uns sur les autres et veulent pouvoir se déplacer. C’est un choix qu’il fallait faire.» -Luc Rabouin, responsable du développement économique à la Ville
Aussi dans Côte-des-Neiges
Le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand, affirme pour sa part avoir discuté avec plusieurs commerçants de l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce inquiets par ce plan. Ce dernier prévoit notamment l’aménagement de corridors piétonniers sur la rue Côte-des-Neiges et le chemin Queen-Mary.
«La Ville ne devrait pas être en mesure de détruire unilatéralement la viabilité de petits commerces ou de décider comment est utilisé l’espace public sans consulter la population», lance l’élu à Métro.
Vendredi dernier, l’arrondissement dirigé par Sue Montgomery a décidé de faire marche arrière en retirant le corridor sanitaire sur un tronçon de l’avenue Van Horne où se trouvent plus de 20 commerces. Une décision prise à la suite de plusieurs critiques de la part de commerçants.
Accessibilité universelle
Le plan de la Ville est aussi montré du doigt par le Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ).
En entrevue, la présidente du RAPLIQ, Linda Gauthier, indique notamment que les corridors sanitaires ont entraîné le déplacement de plusieurs arrêts d’autobus pour les personnes à mobilité réduite ayant besoin de monter par la rampe de ces véhicules.
La Ville entend aussi autoriser aux commerçants, comme les propriétaires de bars et de restaurants, d’élargir leurs terrasses cet été.
«C’est impossible pour nous de nous faufiler autour des tables et des chaises. C’est quelque chose qu’on appréhende énormément», laisse tomber Mme Gauthier.
Luc Rabouin se veut toutefois rassurant.
«Je pense qu’au contraire, [le plan de déplacements] va faciliter l’accessibilité universelle parce qu’il y aura plus de place sur les terrasses et qu’on va s’assurer de conserver les trottoirs dégagés», affirme-t-il.