Profilage racial: «le changement s’opère» au SPVM, assure son directeur
«Le changement s’opère» au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), selon son directeur Sylvain Caron, qui veut en faire encore plus pour lutter contre le profilage racial à Montréal. Il promet de présenter la toute première politique sur les interpellations policières le 8 juillet prochain, plus de huit mois après la publication d’un rapport démontrant des «biais systémiques» à l’interne.
«Vous comprendrez qu’il y aura beaucoup de formation et de sensibilisation à faire, donc la politique ne sera en vigueur que quelques mois plus tard. On jugeait cependant qu’on était capable de la divulguer dès maintenant», a expliqué vendredi le leader du corps policier.
Changer le système
Dans la foulée de la mort de Georges Floyd aux États-Unis et des manifestations un peu partout dans le monde, le SPVM dit trouver nécessaire de faire sa part.
«On est à la croisée des chemins. On dit non à la discrimination. Par contre, il faut travailler sur le système.» -Sylvain Caron, chef du SPVM, reconnaissant que des «incidents de profilage et de racisme» se sont «probablement» produits à Montréal.
En octobre, un rapport commandé par la Ville de Montréal démontrait que les Noirs, les Arabes et les Autochtones sont beaucoup plus susceptibles d’être interpellés par le SPVM. L’étude soulevait que des «biais systémiques liés à l’appartenance sociale» existent. Mais il était toutefois difficile de lier ceux-ci au profilage racial, selon les chercheurs, qui n’ont pas eu accès aux motifs des interpellations.
Un second mandat sera confié à ces mêmes chercheurs, au début juillet. «On a reçu des chiffres bruts. Là, on veut mieux comprendre le contexte exact dans lequel ces interpellations ont été effectuées, lance Sylvain Caron. On veut que nos policiers travaillent avec du fondement.»
Appel à une marche «pacifique»
Alors qu’une seconde manifestation contre le racisme et le profilage racial aura lieu dimanche à Montréal, les autorités policières appellent à une marche «pacifique». «Je lance l’invitation aux organisateurs de m’inviter à les rencontrer avant l’événement. On veut que ça se déroule dans le calme», implore le chef policier. Il n’exclut pas de prendre part au rassemblement.
La semaine dernière, des casseurs avaient fait irruption parmi les marcheurs, pillant plusieurs commerces au passage. Le SPVM a toutefois reconnu que ces individus «profitent» du contexte, et qu’ils sont à distinguer du reste.
EN CHIFFRES: 13% des employés du SPVM proviennent de communautés culturelles. Le corps policier dit «travailler très fort» pour augmenter ce pourcentage d’ici les cinq prochaines années.
Caméras corporelles et profilage
Aux arrondissements qui lui réclament de munir ses policiers de caméras corporelles, le SPVM répond qu’un projet permanent pourrait voir le jour «éventuellement». Plus tôt cette semaine, la mairesse Valérie Plante s’était dite ouverte à la chose.
M. Caron, lui, dit n’avoir «jamais été contre» l’idée.
«C’est un outil parmi tant d’autres. Les caméras corporelles ont leurs limites. Ça va tout régler? Non. Mais ça peut en régler une partie», soulève-t-il. Il affirme qu’il faut d’abord avoir «l’effectif et l’argent requis» pour faire appliquer les caméras corporelles.
Débats sur la consultation
Le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez, demande pour sa part des garanties. «On va exiger qu’il y ait une véritable consultation auprès des groupes communautaires et des minorités visibles. Ce sont eux les plus concernés», assure-t-il. L’élu presse la Ville de tenir un débat via l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), et non par le biais d’une commission municipale.
C’est toutefois comme tel qu’entend procéder l’administration Plante. «La Commission de la sécurité publique (CSP) tiendra une commission publique. Chaque geste pour rétablir et renforcer le lien de confiance doit être souligné», avance la porte-parole au cabinet de la mairesse, Catherine Cadotte.
«Nous jugeons nécessaire de permettre aux organismes et aux citoyens d’émettre leurs commentaires et de proposer, au besoin, des amendements et des bonifications à la politique», ajoute le président de la CSP, Alex Norris.
«Si on veut véritablement s’attaquer au profilage, il faut des gestes et des mesures. On doit changer la culture au SPVM, et créer plus d’imputabilité. Il faut que la police soit redevable.» -Lionel Perez, chef d’Ensemble Montréal
En ce qui concerne les caméras corporelles, M. Perez demande à l’administration Plante de faire preuve de courage. «Ce n’est pas au chef de police de prendre la décision. C’est aux élus et aux instances civiles de s’engager. Des caméras, ça protégerait les victimes et les patrouilleurs», implore-t-il.