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Interpellations policières au SPVM: une «tolérance zéro» du profilage réclamée

Interpellations policières: le SPVM appelé à plus d'imputabilité
Deux policiers du SPVM. Photo: Josie Desmarais/Métro

La politique sur les interpellations policières du SPVM doit prévoir des sanctions claires pour les officiers récalcitrants et s’étendre aux contrôles routiers, réclame la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal (CSP), qui souhaite ainsi lutter contre le profilage.

Entre juillet et septembre dernier, la CSP a mené une consultation publique en ligne sur la politique sur les interpellations policières du SPVM, dévoilée en juillet dernier. Au terme de cet exercice, la commission permanente, présidée par le conseiller de Projet Montréal Alex Norris, a émis 25 recommandations détaillées dans un rapport de 15 pages mis en ligne vendredi.

Prévenir le profilage

Selon cette commission, le corps de police doit éliminer la «prévention des incivilités» comme motif pouvant justifier une interpellation policière.

Selon un rapport réalisé par un groupe d’expertes publié le mois dernier, le nombre d’amendes émises à des personnes en situation d’itinérance pour des infractions de ce type est en croissance depuis plusieurs années à Montréal. Les sans-abri sont notamment nombreux à écoper d’une amende parce qu’ils consomment de l’alcool sur la voie publique ou parce qu’ils s’étendent sur un banc.

«C’est une révision qui doit être faite […] Il faut tenir compte des impacts disproportionnés que ça peut avoir chez les personnes vulnérables», estime le policier retraité de la GRC et conseiller en matière de profilage racial, Alain Babineau, qui a pris part à cette consultation.

Appliquer des sanctions

En octobre 2019, un rapport d’experts avait levé le voile sur des biais systémiques dans les interpellations policières menées par le SPVM. En plus d’augmenter de 143% entre 2014 et 2017, celles-ci ont visé de façon disproportionnée les personnes noires, arabes ou autochtones.

Depuis, le SPVM a mis en place une politique qui demande aux policiers de remplir une fiche explicative à la suite d’une interpellation afin de justifier celle-ci, lorsqu’ils le jugent nécessaire. Cette politique ne prévoit toutefois pas de sanctions pour les policiers qui ne respecteraient pas ses règles, bien que les citoyens puissent effectuer une plainte en déontologie policière.

«C’est sûr et certain qu’il faut que ce soit rattaché à des sanctions», martèle M. Babineau.

La CSP demande donc au corps de police de préciser dans sa politique que «toute conduite discriminatoire ou de profilage est soumise au principe de tolérance zéro et fera l’objet d’une procédure disciplinaire ou administrative pouvant mener à une sanction», peut-on lire.

Le SPVM «prend connaissance» du rapport

Le rapport précise aussi que le SPVM devrait inscrire «explicitement» dans sa politique que celle-ci interdit aux policiers d’effectuer des interpellations sans motifs ou qui se basent sur l’origine ethnique d’une personne.

«Nous prenons actuellement connaissance du rapport et procédons à l’analyse de ses recommandations», a indiqué le SPVM, dans un courriel à Métro. Il assure du même souffle qu’il fera preuve d’«ouverture» à l’égard des propositions qui contribueront à atteindre un «équilibre entre la sécurité des citoyens et le respect de leurs libertés individuelles».

Systématiser les fiches d’interpellation

La politique actuelle du SPVM laisse à la discrétion des policiers de décider s’ils remplissent ou non une fiche d’interpellation au moment de demander à une personne de s’identifier. La commission  réclame donc de «systématiser la production d’une fiche d’interpellation pour toutes les interpellations policières». Le SPVM rendrait ensuite ces informations publiques.

Quant aux informations recueillies, on propose de maintenir la mention de «race perçue». Des experts devraient toutefois analyser la possibilité d’inclure dans ces fiches d’autres «caractéristiques pouvant mener à la discrimination», comme le genre et la condition sociale, propose la commission.

La CSP demande en outre au SPVM d’effectuer une reddition de compte annuelle sur les plaintes reçues en matière de profilage racial et social de même que les conclusions de celles-ci, notamment en matière de sanctions pour les policiers concernés.

Code de la route

La commission presse en outre à la Ville de négocier avec Québec afin que celui-ci oblige les policiers à inscrire «l’appartenance raciale et ethnoculturelle perçue» des personnes interceptées dans le cadre de contrôles routiers. Actuellement, la politique du SPVM ne s’applique pas au Code de la sécurité routière. Or, plusieurs groupes ont déploré pendant cette consultation publique le fait que des membres des minorités visibles se font souvent interpeller sur la route en raison de la couleur de leur peau.

«Le phénomène de driving while black est énorme. Il faut en faire un priorité», a fait valoir vendredi le directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Fo Niemi, lors d’une conférence virtuelle.

Le rapport propose en outre que le SPVM crée sa propre fiche d’interpellation «adaptée à l’interception routière» dans le cas où Québec refuserait de donner suite à cette demande. Une recommandation que salue la première vice présidente de l’Association jamaïcaine de Montréal, Sharon Nelson.

«C’est un bon pas en avant. Maintenant, il faut s’assurer que ça aille de l’avant», a-t-elle réagi.

Contacté par Métro, le ministère de la Sécurité publique rappelle qu’il est déjà «à pied d’oeuvre» pour revoir les interpellations policières à l’échelle de la province. Cette réforme policière étant toujours en cours, le ministère n’a pas voulu se positionner vendredi sur cette recommandation.

«Notre inquiétude, c’est que ça va prendre du temps pour changer cette politique et changer les comportements des policiers sur le terrain.» -Fo Niemi, directeur général du CRARR

Des changements rapidement, promet la Ville

L’administration de Valérie Plante dispose de six mois pour donner suite à ces recommandations.

«Nous souhaitons travailler la mise en place de ces recommandations et la bonification de la politique avec le SPVM, en prenant compte de la réalité des policiers et sans affecter leur travail sur le terrain», a assuré vendredi la responsable de la sécurité publique au comité exécutif, Caroline Bourgeois.

La Ville donnera «certainement» suite à ce rapport «d’ici aux prochaines élections [municipales]», en novembre, a pour sa part évoqué M. Norris.

«Chez Ensemble Montréal on s’attend à ce que le comité exécutif de la Ville de Montréal accepte rapidement et favorablement ces recommandations [étant donné que] Cathy Wong, responsable de la lutte au racisme et à la discrimination, est membre de la CSP», a pour sa part réagi le conseiller Abdelhaq Sari.

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