Le prix des maisons a augmenté deux fois plus vite que les salaires
Personne ne serait surpris d’apprendre que l’accès à la propriété sur le marché immobilier est de plus en plus coûteux à Montréal et dans son agglomération. Mais un rapport tout juste publié par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) vient confirmer que le prix des maisons a augmenté deux fois plus rapidement que les salaires.
La première chose que nous apprend ce document de 120 pages est l’impact considérable de la COVID-19 sur les prix du marché immobilier.
La pandémie a en effet entraîné une des hausses de prix «les plus fortes en Amérique du Nord», indique-t-on dans le rapport. Certes, cette hausse progresse depuis une quinzaine d’années, mais les prix des propriétés ont explosé ces deux dernières années.
Entre 2011 et 2021, ils ont augmenté de 90%. Sur la seule période 2019-2021, on observe une hausse de 47% des prix des maisons unifamiliales, et de 32% pour les copropriétés. Pendant ce temps, les revenus des ménages n’ont augmenté que de 40%.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène: le télétravail, la baisse des taux d’intérêt hypothécaires, le rebond de l’emploi post-confinement ou encore les taux d’épargne de nombreux ménages qui ont augmenté pendant la pandémie.
Problème: l’offre n’a pas suivi la demande, d’où ce bond des prix. Un phénomène observé dans l’agglomération de Montréal depuis 2010.
D’après les chiffres de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ), il aurait fallu entre 24 000 et 32 000 logements supplémentaires disponibles à la vente pour pouvoir répondre à la demande.
Les revenus ne suivent pas
Bien que l’offre augmente, une question se pose: les logements sur le marché sont-ils financièrement accessibles pour les potentiels intéressés?
La CMM souligne que «l’abordabilité relative du logement fait historiquement partie des forces stratégiques du Grand Montréal».
Pour devenir propriétaire en 2015, un ménage au revenu médian aurait consacré 56,2% de son revenu brut aux paiements hypothécaires d’une propriété moyenne. Cette proportion a bondi à 83,3% en 2021, selon le rapport.
Cette évolution est cependant moins marquée concernant les copropriétés, où elle est passée de 39,4% à 50,5%.
Derrière ces chiffres se cache un constat préoccupant. Pour bon nombre de ménages locataires, l’acquisition d’un logement «ne s’avère plus une option abordable», souligne le document. Une analyse qui concerne toute la métropole, même si elle est particulièrement vérifiable sur l’île de Montréal.
«Même pour un ménage ayant un revenu de 100 000 $ – qui ferait ainsi partie des 20% des ménages locataires les mieux nantis – seules 30% des maisons mises en vente sur l’île de Montréal pourraient être considérées comme abordables», précisent les auteurs du rapport.
Une offre limitée
Les facteurs derrière cette pénurie de l’offre sont divers. Un des premiers qu’a identifié la CMM est le report, chez des ménages propriétaires vieillissants, «du projet de déménager dans des logements plus petits». Le départ de couples âgés d’une maison vers un logement locatif, un condo ou encore une résidence pour personnes âgées (RPA) est donc moins fréquent qu’anticipé depuis la pandémie.
Mais c’est surtout le type de logements construits qui a creusé le décalage entre l’offre et la demande. Le nombre de logements construits a atteint un record de 30 000 en 2021, malgré la pandémie. Mais 87% des nouveaux logements sont à forte densité. Il s’agit essentiellement d’appartements à loyers élevés.
«La hausse fulgurante des coûts de construction depuis la pandémie, les problèmes d’approvisionnement, la rareté de la main-d’œuvre et la hausse des taux d’intérêt compliquent passablement les choses. En conséquence, le prix des propriétés neuves est en forte hausse depuis la pandémie», note Paul Cardinal, directeur du service économique de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ).
«Alors qu’il faudrait idéalement augmenter la cadence des mises en chantier, nous prévoyons plutôt des replis de l’ordre de 17% et de 15% respectivement en 2022 et en 2023 dans la région de Montréal. Il faut toutefois se rappeler qu’on se compare avec un record de plus de 30 ans établi l’an dernier», ajoute-t-il.
Les reventes rapides favorisent la hausse des prix
Connaissez-vous le «flip immobilier»? Cette pratique consiste à acheter un logement, à le rénover puis à le revendre rapidement afin d’en tirer un bénéfice.
«Ce phénomène accentue la concurrence chez les ménages qui cherchent simplement à se loger», indique le rapport de la CMM. Ces reventes rapides sont souvent le fait d’investisseurs à la recherche de profit, comme c’est le cas pour une «rénoviction».
Selon des chiffres de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), ces pratiques sont de plus en plus fréquentes dans le Grand Montréal. Elles concerneraient 3,2% des maisons individuelles et des plex, ainsi que 3% des ventes de copropriétés.
«En 2020, l’écart médian entre le prix d’achat initial et celui de la revente pour les plex ayant fait l’objet d’une revente rapide (achetés et revendus à l’intérieur de 12 mois) a été de 41,5%, alors que la croissance annuelle du prix médian pour l’ensemble des transactions de plex a été de 9,8%», précisent les auteurs du rapport.