5 ans et toutes… mes gammes
La première fois que Lauréanne a tenu un violon dans ses mains, elle avait 5 ans. Après avoir essayé de jouer quelques notes, elle s’est tournée vers sa mère et lui a dit : «Maman, je crois qu’il faut le rapporter au magasin, il est brisé. Il ne sonne pas comme le tien.»
Depuis, la petite musicienne a fait du chemin. Maintenant âgée de huit ans, elle étudie dans un programme spécialisé en musique et, en plus du violon, elle maîtrise la flûte à bec et le piano. Elle étudie à l’école Alpha à Rosemère, qui fait partie de la dizaine d’établissements d’enseignement primaire et secondaire au Québec offrant un programme spécialisé en musique. Lauréanne a entre une heure et deux heures et demie de musique chaque jour à l’école. Elle doit donc faire le programme régulier en 70 % du temps. Mais elle ne trouve pas ça trop difficile.
«La seule chose qui était difficile au début, c’était l’organisation du temps, confie sa mère, Élizabeth Da Costa. Le programme ressemble un peu à celui de l’école secondaire, donc les élèves doivent traîner leurs livres pour plusieurs cours à l’avance, par exemple. Mais sur le plan scolaire, Lauréanne était contente de commencer ce programme, parce qu’elle s’ennuyait un peu à l’école traditionnelle. Maintenant, elle est poussée à son maximum!»
Élizabeth sait de quoi elle parle, puisqu’elle a elle-même suivi une formation en musique semblable à celle de sa fille lorsqu’elle était jeune. La violoncelliste est aujourd’hui professeure de musique.
La musique innée
Des études neuroscientifiques prouvent que l’être humain a un penchant pour la musique et que la musicalité est innée, selon Debbie Carroll, professeure de musicothérapie à l’UQAM. «Nous sommes tous, dès notre naissance, des êtres musicaux qui ont le potentiel de devenir des prodiges.» Un reportage de l’émission Découverte sur le sujet, diffusé en septembre, a démontré que la musique a un effet substantiel sur l’apprentissage des enfants en bas âge. Elle favoriserait l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Sandrine Zuyderhoff-Craig a 25 ans. Elle a commencé la musique à 4 ans, après avoir démontré un intérêt pour la musique à la garderie. «J’étais une enfant très timide, mais quand il y avait de la musique à la garderie, je dansais et j’étais très allumée.»
Ses parents l’ont donc inscrite à des cours de piano, puis à l’école Le Plateau, à Montréal, où elle a reçu une formation classique en musique. Puis elle a continué à l’école secondaire Pierre-Laporte, avec le violon.
«La musique m’a donné une voix pour m’exprimer et m’a aidée à forger mon caractère, avance-t-elle. Cela m’a aussi apporté une certaine valorisation et a donc amélioré mon estime personnelle.»
Debbie Carroll insiste également sur l’environnement privilégié que constituent ces écoles spécialisées pour les enfants. «Tout leur entourage fait de la musique, ça fait partie de leur quotidien. Donc, cela motive les enfants à pratiquer.»
Elizabeth Da Costa constate que l’aspect de compétition augmente la motivation des enfants. «Lorsqu’ils arrivent à l’école, à côté de leurs amis, ils veulent être prêts pour être capables de faire ce que l’autre fait. C’est plus motivant que les leçons en privé.»
Même si ses yeux noisette pétillent lorsqu’elle parle de musique ou place son violon contre épaule, Lauréanne ne veut pas faire de la musique sa carrière. «Je veux être scientifique», dit-elle en souriant. Sandrine voulait devenir médecin lorsqu’elle était plus jeune.
Celle qui est maintenant musicothérapeute pour la clinique du docteur Julien souhaite à tous les enfants de pouvoir recevoir une formation musicale, même s’ils ne veulent pas en faire leur métier.
«Je rêve d’un monde où tous les enfants font de la musique. Ça développe des compétences, de la confiance… Ça forme des personnes sensibles, ouvertes et créatives. Et presque tous les enfants que j’ai rencontrés souhaitent jouer d’un instrument de musique.»
Talent forcé
Si elle considère que tous les êtres humains ont un intérêt et un talent inné pour la musique, Debbie Carroll précise que la motivation doit venir de l’enfant. «Malheureusement, ce sont souvent les parents qui veulent plus que l’enfant, ajoute Mme Carroll. Il faut que l’enfant ait une motivation intrinsèque.»
Comme la mère de Lauréanne est elle-même musicienne, elle avait peur que sa fille étudie en musique seulement pour lui faire plaisir. Elle a donc pris le temps d’expliquer à sa fille qu’elle devait le faire pour elle-même. «Je savais que c’était important pour ma mère, mais je voulais le faire pour moi-même aussi, confie la petite Lauréanne. J’aime ça jouer de la musique.»
La jeune violoniste ajoute que les parents ne doivent pas pousser leurs enfants. «Il ne faut pas forcer, sinon ça fait qu’on n’aime plus la musique!»
Question de perception
Si la musique a longtemps été son refuge, surtout pendant son adolescence, Sandrine constate qu’il est assez rare maintenant qu’elle écoute de la musique chez elle, par pur plaisir. Comme elle est musicothérapeute, la violoniste perçoit le simple fait de choisir la musique comme du travail.
«J’ai une écoute différente de la musique. J’assiste souvent à des concerts classiques avec mon copain, qui n’est pas musicien, et l’on se rend compte après le concert que nous ne l’avons pas du tout écouté de la même façon. Souvent, il me dit : « Je ne voudrais pas avoir ta formation, on dirait que tu n’as pas de plaisir! » Mais ce n’est pas vrai, j’ai toujours du plaisir à aller voir un concert, mais à un autre niveau, plus critique. C’est une écoute active!»