Soutenez

On a pris un café avec la police

Un café avec un policier, PDQ 38.
Un café avec un policier, PDQ 38. Photo: Zoé Arcand/ Journal Métro

Le 18 octobre, les agents du poste de quartier 38 du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) invitaient les citoyens du Plateau-Mont-Royal à se joindre à eux autour d’un café, sous un chapiteau érigé pour l’occasion sur le boulevard Saint-Laurent. Pour quelle raison la police a-t-elle lancé cette opération? Métro est allé lui poser la question directement.

Le SPVM s’est inspiré de Coffee With a Cop, une initiative d’un service de police américain. La version québécoise, Un café avec un policier, s’est répandue depuis 2014. Elle vise à susciter des rencontres entre des agents de différents services de police et des citoyens.

Véronique Vertefeuille est agente au poste de quartier 38. Étant également agente à vélo, elle navigue entre le «côté répression, le côté communautaire, et le côté maintien de l’ordre», dit-elle.

Question: Est-ce que c’est compliqué de naviguer entre ces différents rôles?

Réponse: Non. Ça devient plus facile avec l’expérience. Je suis dans ma 17e année d’ancienneté. Moi, je m’occupe de la santé mentale et des aînés. C’est un tout autre monde [que celui du maintien de l’ordre], mais qui a énormément besoin de la présence de la police. Souvent, les gens ont confiance en nous, et on leur dit qu’on va les aider.

Je sais que ce n’est pas toujours bien vu [être policière] et que les gens ne nous aiment pas parce qu’on a aussi un travail plate à faire. Mais si on ne le fait pas, ça va être le chaos. Et quand on prend le temps d’expliquer un peu les choses, les gens comprennent.

Q: Est-ce que prendre un café avec un policier, ça pogne?

R: Oui. Je vais vous donner un exemple. Maintenant, à l’Hôtel-Dieu, ils sont en relation d’aide avec beaucoup de personnes et ça peut amener des défis de cohabitation sociale avec les citoyens. [Ce qu’on offre en tant qu’agents sociocommunautaires, entre autres avec Un café avec un policier], c’est un service beaucoup plus personnalisé. C’est plus convivial, les gens se sentent plus écoutés que s’il y avait un capitaine qui parlait devant un auditoire.

Q: De quel type de résultats parle-t-on?

R: De un, on développe des contacts. Tu sais, les citoyens, ils voient plein de choses. Ils voient des deals de drogues, des vols. Mais ils ne prendront pas le temps d’appeler au poste pour le dire. Alors on développe des contacts avec des citoyens, on leur donne des cartes d’affaires, puis on leur dit de nous appeler et qu’on va voir ce qu’on peut faire. Les citoyens voient plein de choses que nous, on ne voit pas.

Prendre un café avec un policier, PDQ 38. Crédit photo: Zoé Arcand/ Journal Métro.
Prendre un café avec un policier, PDQ 38. Crédit photo: Zoé Arcand/ Journal Métro.

Q: C’est quoi le type d’enjeux dont vous entendez parler dans ce type d’activité là?

R: Par exemple, il y a un citoyen avec qui j’ai parlé tantôt. Il habite dans les rues ici, à côté. Il voit beaucoup, beaucoup de deals de drogue. Il y a beaucoup d’itinérance ici, et malheureusement, les gens qui vendent de la drogue, ils utilisent les faiblesses des gens, et après ça, ils leur fournissent de la drogue. C’est le genre d’information qu’ils nous donnent. Alors je leur dis «pense à noter ça, ça, ça et ça», et après ça, je vais prendre cette information-là au poste, et là on a un agent valideur d’information. Lui, il reçoit toutes ces informations-là et il voit ce qu’il peut faire avec ça. S’il a la description d’une personne, il va voir s’il ne peut pas monter une enquête. C’est long, c’est fastidieux, mais les renseignements, c’est ce qui fait avancer la police.

Q: Donc c’est pour vous un moyen de recueillir des renseignements?

R: Ce n’est pas nécessairement ça l’objectif, c’est juste que ça crée ça. Les gens viennent nous parler, ils nous disent que quelqu’un a besoin d’aide. Quelqu’un qui me dit que son voisin semble seul, qu’il a l’air de ne pas très bien aller, bien je vais pouvoir aller cogner, visiter. Ça amène beaucoup d’informations qui normalement ne seraient pas échangées avec la police, parce que les gens n’osent pas venir vers nous. Notre uniforme nous rend inaccessibles.

Q: Qu’est ce que vous retirez de ce type d’événement que vous pouvez appliquer dans votre travail?

R: C’est comme ça qu’on développe des contacts. On ne voit peut-être pas le résultat rapidement. Mais si on ne faisait jamais ça, on parlerait juste de la police négativement. Puis on n’arriverait pas à expliquer notre travail. Notre gros défi, c’est de parler de notre travail pour que ça passe bien. On est beaucoup plus dans l’explication de notre travail.

Je vais vous donner un exemple. Il faut vraiment faire attention. Souvent quand on intervient sur [le boulevard] Saint-Laurent, c’est… dans le but de faire respecter un règlement municipal. […] Bref, ça arrive qu’il y ait des gens d’origine ethnique différente. Mais automatiquement, la première chose qu’ils vont nous dire, c’est «tu m’arrêtes parce que je suis ci, je suis ça», alors que pas du tout. J’agis de la même façon avec n’importe qui. J’ai déjà dit à quelqu’un «peu importe de quelle race vous pouvez être, ça n’a aucun rapport, je vais toujours intervenir de la même façon», et la personne voulait porter plainte parce que j’ai dit le mot race, pis ça a l’air qu’en 2022 on ne peut plus dire ça. C’est toutes des difficultés de communication, de langage. Il faut faire attention à comment on dit les choses.

Des fois, on veut juste être poli, on dit «bonjour monsieur, madame». Sauf que là, c’est une personne qui ne s’identifie pas à un genre. Alors la personne le reçoit impoliment. C’est difficile, ce n’est pas facile. Ça, ce sont des gens qui naturellement se braquent devant la police, qui au lieu de prendre le temps de m’expliquer [ce qu’ils vivent], bien ils vont plutôt être mécontents et vouloir se plaindre contre moi. Ce n’est pas ma génération tout ça, je ne connais pas tout ça. Faut que j’apprenne, moi aussi, au travers de ça. C’est ça, aussi, le communautaire. C’est hyper important pour amener des échanges comme ça.

Q: Est-ce qu’on peut dire que le SPVM est en train d’essayer d’améliorer ses relations avec le public?

R: Clairement. Comment je pourrais dire ça? Le lien avec les citoyens, le rapprochement avec les citoyens, le rapprochement avec les organismes, avec les autres personnes. Parce que souvent, il y a beaucoup de personnes qui travaillent, mais en silo. Dans une formation que je viens de suivre, on nous disait que seul, on va plus vite, mais qu’ensemble, on va plus loin. Le SPVM va engager des agents coordonnateurs qui vont nous aider à travailler avec différents organismes, parce que la police, on est débordé, on est dans l’urgence. On doit essayer d’aller plus loin et il faut se permettre de travailler ensemble pour régler des problèmes.

Q: Est-ce qu’il y a d’autres événements mis en place par le SPVM qui ont le même but que Prendre un café avec un policier?

R: Il y en a plein, par exemple, je m’en vais faire du porte-à-porte pendant quatre demi-journées auprès de personnes âgées qui sont seules. Il s’est passé un événement qui a un peu ébranlé leur sentiment de sécurité. Je serai accompagnée d’un collègue et de travailleurs sociaux. Il y a 313 personnes, et on va aller les voir. C’est qui ces gens-là, ils ont besoin de quoi?

Inscrivez-vous à notre infolettre et recevez un résumé, dès 17h, de l’actualité de Montréal.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.