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D’enseignante de français à policière

La femme d'origine haïtienne enseignait le français à des élèves officiers des Forces canadiennes avant de devenir policière. Photo: Courtoisie

Renée Muzac, agente au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) depuis maintenant 20 ans, enseignait le français langue seconde aux adultes immigrants, mais aussi à des élèves officiers des Forces armées canadiennes, sur la base de Saint-Jean-sur-Richelieu, lorsqu’elle a décidé de changer d’horizon pour embrasser une carrière dans les services policiers.

Étant à contrat lors de ses six premières années passées au SPVM, la précarité l’insécurisait. Après en avoir entendu parler de bouche à oreille, elle a donc décidé d’intégrer le programme de policier conventionnel, une mesure exceptionnelle visant spécialement le recrutement de personnes d’origine autochtone ou issues de minorités visibles ou ethniques qui n’ont pas suivi une formation en Techniques policières.

L’objectif du programme de policier conventionnel est de promouvoir l’accès afin de favoriser une meilleure représentativité de la population montréalaise au sein du personnel du SPVM.

«Ce n’était pas un coup de tête, car ce que je voulais faire, plus jeune, c’était d’être policière», révèle l’agente Muzac, en entrevue avec Métro dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs.

Mais débuter une deuxième carrière n’est pas simple pour une femme, «et noire en plus», fait remarquer Mme Muzac, qui n’a eu qu’une journée d’observation dans un poste de police et une journée de patrouille avant de débuter son programme de neuf mois.

Je quitte l’enseignement pour aller dans un poste de police. C’était la fin de la routine à ce moment-là. Dans une classe, vous savez ce qui va se passer parce que vous l’avez mis à l’agenda alors qu’au poste, vous n’avez aucune idée de comment la journée va se dérouler.

Renée Muzac, policière au SPVM

Solidarité féminine

Au poste de quartier 44, dans Rosemont, où elle a commencé sa carrière, elle a fait la rencontre d’une autre femme – blanche – qui la devançait de sept mois d’ancienneté. Les deux se sont serré les coudes tout naturellement afin de faire face aux embûches communes à leur statut de femme, peu importe la couleur de leur peau.

L’agente Muzac Photo: Jean Numa Goudou, Métro

«On a senti qu’il fallait faire notre place, faire valoir nos compétences, nos aptitudes. Ce n’était pas évident de naviguer à travers tout cela», se souvient encore aujourd’hui Mme Muzac.

Lorsqu’on lui demande d’évoquer le racisme au sein du SPVM, à l’époque, la policière hésite. Mais elle estime qu’«il faut regarder les deux côtés: femme et noire.»

Femme, il fallait vraiment faire ses preuves, et en tant que femme noire, c’était du nouveau pour les autres collègues; ils ne savent pas trop c’est qui, est-ce qu’elle est capable de faire le travail… Il y avait la méconnaissance de mon parcours avant d’arriver là où je suis.

Renée Muzac, policière au SPVM

«Il y avait des idées préconçues par rapport à moi; vous n’avez pas fait le même parcours que nous et du coup, est-ce suffisant pour avoir la même compétence que nous?», a rapidement déduit l’enseignante devenue policière, devant les questionnements de ses collègues qui avaient fait trois ans d’études policières au cégep.

La peur de débutante

Renée Muzac se souvient encore, comme si c’était hier, dit-elle, de cette nuit où sa collègue et elle patrouillaient la ville seules, avec la peur au ventre de faire des erreurs. «Des erreurs qui sont anodines pour d’autres mais pour nous, ce n’était pas la même chose. On avait l’impression que les autres avaient le droit d’expérimenter. Mais nous, on n’avait pas cette latitude-là.»

Mme Muzac n’est aujourd’hui plus sur la patrouille. Depuis quelque temps, elle occupe un poste administratif comme conseillère à la rédaction des pratiques policières, manuels de procédures au sein du SPVM.

77 employées de minorités visibles

Sur plus de 2 millions de personnes résidant à Montréal, près de 6 sur 10 sont issues de l’immigration et 34% appartiennent à des minorités visibles. Les minorités visibles sont définies comme les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou qui n’ont pas la peau blanche.

L’agente Renée Muzac fait partie des 77 femmes – agentes et employées civiles du SPVM – qui se retrouvent dans cette catégorie, selon le rapport annuel 2022 du corps policier.

À titre comparatif, les femmes de la catégorie minorités ethniques sont au nombre de 57, alors que les Autochtones ne sont que 15.

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