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Le fleuve Saint-Laurent, un joyau menacé

Prise de vue large du Vieux-Montréal à partir du fleuve Saint-Laurent.
Photo: iStock

Depuis plus de trois décennies, de multiples stratégies ont été déployées par les gouvernements pour préserver ce joyau naturel de près de 3260 km de long. Bien qu’il draine plus de 25% des réserves mondiales d’eau douce, il reste menacé par les déversements et ses berges fragiles font souvent les frais d’un transport maritime polluant grandissant.

Par la création du Plan d’action Saint-Laurent en 1988, les différents paliers gouvernementaux se sont dotés d’une structure pour mettre en commun leurs efforts et leurs ressources afin de préserver le fleuve. Malgré des avancées, le Saint-Laurent souffre encore et toujours de l’activité humaine.

«Un des enjeux majeurs par rapport aux déversements est la quantité de contaminants qu’on retrouve dans l’eau, explique la directrice de la conservation bioculturelle à SNAP Québec, Véronique Bussières. Ça passe des médicaments qu’on consomme aux substances contenues dans les tissus de nos vêtements et qui se libèrent lorsqu’on fait notre lessive.»

Ces substances sont souvent des perturbateurs endocriniens qui vont affecter directement la santé des animaux marins présents dans le Saint-Laurent, autant au niveau de leur croissance que sur leur capacité de reproduction.

Bien que des technologies de traitement des eaux soient en place, une réglementation plus stricte s’impose. Selon Véronique Bussières, «les substances interdites sont souvent remplacées par d’autres, plus nocives. Ce sont des substances qu’on ne trouvait pas il y a 15 ans ou 20 ans et que l’on retrouve désormais dans la chair des poissons et dans les tissus des mammifères marins. C’est un problème qu’on tente de régler, mais il faudrait que les gouvernements investissent davantage dans les systèmes de traitement d’eau et revoient leurs réglementations.»

Selon la Fondation Rivières, l’ensemble des contaminants de type pharmaceutique et perturbateurs endocriniens est rejeté dans les eaux usées, et ce, pour l’ensemble des villes au Québec. Cela s’explique par le fait que les systèmes d’épuration ne font qu’un traitement primaire des eaux usées. 

Les grands évènements de pluie mettent aussi à mal les usines de traitement des eaux usées. Dans les grandes villes, il arrive souvent que des débordements provoquent un déversement directement dans le fleuve et sans aucune filtration, il y en aurait entre 45 000 et 60 000 par année. Selon Véronique Bussières, trop de municipalités déversent encore leurs eaux usées dans le Saint-Laurent et nombre d’entre elles n’ont qu’une simple grille pour arrêter les plus gros déchets.

Le transport maritime représente aussi une des grandes menaces que connaît le fleuve. Le dérangement par le bruit impacte la présence des mammifères marins comme celle des bélugas et les risques de collision menacent certaines espèces déjà considérées comme étant en péril.

Véronique Bussières s’inquiète de l’augmentation du transport maritime qu’engendra la stratégie maritime du gouvernement provincial. Elle cite l’exemple de l’agrandissement du port de Contrecœur qui menace la survie de la population de chevaliers cuivrés.

Il faut réfléchir à la capacité limite que notre fleuve peut absorber.

Véronique Bussières, directrice de la conservation bioculturelle à SNAP Québec

Un réseau d’aires marines protégées de conservation se met en place à travers le Québec pour contrer ces menaces qui se cumulent. À la COP15, le gouvernement du Québec s’est engagé à protéger 30% d’aires marines d’ici 2030. Seulement 10,4% seraient protégées à l’heure actuelle.

Au sein de ces zones refuges, les espèces marines peuvent se reposer dans un lieu où les grosses activités industrielles sont considérablement diminuées. Pour SNAP Québec, l’objectif que se donne le gouvernement peut être dépassé. Il serait possible de protéger jusqu’à 46% des aires marines afin de se donner une marge de manoeuvre.

Des berges polluées et fragilisées

Les berges du Saint-Laurent sont les cicatrices d’un transport maritime effervescent depuis de nombreuses années et d’une pollution plastique incessante. Les berges de la Rive-Sud de Montréal sont frappées de plein fouet par l’érosion due au corridor fluvial qui pousse les navires commerciaux à passer près de la côte.

En 2019, plusieurs citoyens de ce secteur ont décidé de former le Comité pour la protection des berges du Saint-Laurent. Leur objectif est de militer pour une protection écologique et durable des berges et la mise en place d’un programme de protection par les gouvernements.

Micheline Lagarde est une résidente de Verchères qui fait partie de ce comité. Le terrain où se trouve sa maison longe les berges du Saint-Laurent. Au fil des années, le fleuve a progressivement gagné du terrain, détruisant notamment les structures de rétention en place. Or depuis 1997, l’entretien des murs de bétons qui servaient à protéger les citoyens aurait cessé, laissant les citoyens démunis face à la disparition progressive de leur terrain.

«Je n’ai plus aucune protection, le muret est complètement tombé et là ça gruge le sol, explique Micheline Lagarde. Il n’y a pas grand-chose qui résiste ici sur le bord de l’eau avec les vagues de bateau.»

Selon Mme Lagarde, la situation soulève des questions de sécurité et engendre un stress important pour les citoyens. Plusieurs d’entre eux ont intenté des poursuites judiciaires contre les gouvernements sans aucune réelle débouchée.

Le fleuve est un joyau et les berges c’est son écrin et il faut en prendre soin, c’est intrinsèquement relié et on ne peut pas les dissocier.

Micheline Lagarde, citoyenne de Verchères et membre du comité pour la protection des berges du Saint-Laurent

Chaque année, des milliers de tonnes de déchets s’échouent sur les berges du fleuve. Pour y remédier, des citoyens se réunissent régulièrement pour les nettoyer. C’est le cas de la Mission 1000 tonnes. Fondée il y a 5 ans, elle a permis à ce jour de ramasser 318 tonnes de déchets sur les berges grâce à la mobilisation de près de 5 000 personnes chaque année. Mais pour son co-fondateur, Jimmy Vigneux, ramasser ne suffit plus.

«C’est beau de ramasser, mais si on ne réduit pas ça ne sert à rien, il faut vraiment réduire la quantité de déchet qu’on génère chaque année, dit-il. L’importance de la mobilisation citoyenne peut faire une grande différence dans la santé des cours d’eau, et on espère que les entreprises continuent à se mobiliser avec nous.»

Mission 1000 tonnes souhaitent sensibiliser les citoyens à leur consommation de plastique à usage unique et pousser les gouvernements et les entreprises à changer leur façon de faire. Selon son co-fondateur, Jimmy Vigneux, la situation sur les berges de Montréal s’améliore, mais beaucoup de déchets continuent de revenir annuellement.

Selon lui, la promenade Bellerive dans Mercier ainsi que les berges de Verdun sont les lieux où se retrouvent le plus de déchets. Au-delà des déchets présents sur les berges, Jimmy Vigneux rappelle que ceux que l’on retrouve dans les rues de Montréal finissent aussi dans les cours d’eau à cause du vent et du ruissellement. Au total, Mission 1000 tonnes ramasse chaque année plus d’une dizaine de tonnes de déchets sur les berges de la métropole.

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