Deux journées à rêver l’impossible
Près de 400 jeunes Québécois et Ontariens âgés de 18 à 30 ans se sont rassemblés les 19 et 20 juin à la TOHU pour participer à l’événement pancanadien Rêver l’impossible, un forum organisé par le président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, Guy Cormier.
«Est-ce que les parents devraient louer la chambre de leurs enfants qui ont quitté le nid familial à des étudiants?»
«Si on commence à instruire les jeunes à la littératie financière dès leur première année au secondaire, comment pourrait-on concilier leurs apprentissages faits à l’école à leur quotidien à la maison?»
«Le mot-clé pour les entreprises: transparence!»
Voilà quelques bribes d’échanges captées dans le brouhaha émanant de groupes de participants à la dernière journée de ce grand rassemblement.
La veille, ceux-ci ont assisté à des conférences participatives et à des ateliers de cocréation ayant pour but de les outiller en vue du point culminant de l’événement: esquisser puis échanger des idées ou solutions aux principaux enjeux de l’heure touchant à l’éducation, l’environnement, l’emploi, l’économie et les finances. Des représentants d’entreprises de divers secteurs et d’organismes communautaires étaient sur place pour les entendre.
Bien que Guy Cormier compte passer l’été à faire un «état des lieux de tout ce qui a été dit» avec les différents partenaires de l’événement, dont Bell, Google, KPMG et Hydro-Québec, il tenait néanmoins à faire part à la foule très enthousiaste des points phares qui sont ressortis des discussions.
Dans le dossier du logement, le financier note que la coopérative d’habitation a été particulièrement évoquée par les jeunes comme moyen d’accéder à la propriété. «Ce type de logement semble rejoindre beaucoup vos valeurs», a constaté M. Cormier. Il croit en la viabilité d’une telle option, a-t-il souligné par la suite en entrevue avec Métro, la province étant déjà une terre d’accueil fertile pour les divers modèles de coopératives. Le Mouvement Desjardins est d’ailleurs le plus grand groupe financier coopératif au Canada.
De plus, dans un contexte de crise du logement, le président de Desjardins pense qu’il n’est pas possible de «faire l’économie de solutions». «On va avoir besoin des organismes locaux, dont les coopératives qui ont ce concept de pérennité à l’esprit», raisonne-t-il.
L’événement a également permis de braquer les projecteurs sur un élément «surprenant», qui figure au sein de la liste des préoccupations mises de l’avant par les groupes de réflexion: la traçabilité de l’ensemble des produits de consommation.
«Il est souvent question de la traçabilité des aliments qu’on mange. Or, les jeunes nous disent qu’ils veulent la traçabilité de tout ce qu’ils consomment, pour être capables de mesurer l’impact des biens sur la planète et leur provenance.»
En matière d’emploi, les participants déplorent le fait que la pénurie de main-d’œuvre a un impact sur leur encadrement au sein des entreprises. Trop «laissés à eux-mêmes» par un personnel surchargé, ils ne recevraient pas le mentorat qu’ils recherchent tant auprès de leurs collègues plus expérimentés.
Un besoin de connexion intergénérationnelle qui étonne aussi M. Cormier. «Les jeunes, très lucidement, disent qu’ils ont besoin de l’aide des générations précédentes, de leur soutien. Ils leur disent: on a besoin d’apprendre à partir de ce que vous avez fait.» «De leurs erreurs!», a riposté un membre de l’audience.
Cette intervention fait d’ailleurs écho à une certaine rancœur exprimée par cette relève déjà confrontée aux conséquences dévastatrices sur l’environnement induites par la pollution et qui devra innover pour limiter les dommages à venir d’ici les cinquante prochaines années.
Réinventer la roue
Si ce grand rassemblement s’est soldé par un foisonnement d’idées, il a aussi cultivé une part de frustration chez les participants. Certains ont eu l’impression de perdre du temps à essayer de réinventer la roue. «Plusieurs d’entre vous ont réalisé que les solutions existent déjà. Il ne reste qu’à les mettre en œuvre», a conclu Guy Cormier.
Face à ce constat, il est alors naturel de se demander si les idées ou solutions mises de l’avant par la centaine de penseurs en herbe et accueillies de manière bienveillante lors de ce forum finiront par être mises aux oubliettes elles aussi.
«Desjardins et la cinquantaine de leaders d’entreprises partenaires, on va compiler tout ce qui est ressorti comme commentaires, comme points de vue et après on va voir.»
L’heure est donc encore à la réflexion jusqu’à l’automne prochain, à tout le moins, a-t-il indiqué à Métro. «Je sais que ça peut paraître un peu paradoxal, qu’on devrait savoir où on s’en va. Non, justement, on veut se mettre dans une posture d’écoute.»
Une attitude reçue positivement par Huguesse, Andrew et Sarah-Myriam, trois jeunes «rêveurs», qui considèrent Rêver l’impossible comme «un premier pas» vers des actions plus concrètes menant à des changements.
«Après l’âge de 17 ans, les jeunes n’ont plus vraiment de tribune pour se faire entendre en tant que citoyen», note la première. Ce genre d’événement aussi rassembleur défait le stéréotype d’une jeunesse «apathique», ajoute Sarah-Myriam, qui précise qu’elle adore s’impliquer. Andrew croit pour sa part que les 18 à 30 ans ont de l’expérience et des connaissances qui méritent d’être considérées.
Ce petit groupe mentionne que plusieurs participants ont fait la route en autocar depuis Toronto pour s’exprimer sur des sujets qui leur tenaient à cœur. Ce qui illustre, à leur avis, qu’on ne donne pas assez la parole aux jeunes.