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Profilage racial: le SPVM fait du surplace, selon un nouveau rapport

Fady Dagher était dans Saint-Michel pour présenter le rapport aux communautés noires. Photo: Jean Numa Goudou/ Métro Média

En neuf ans, soit de 2014 à 2023, le taux d’interpellations des Noirs, Arabes et Autochtones n’a pas bougé plus qu’un iota à Montréal, constatent les chercheurs indépendants Armony-Hassaoui-Mulone dans leur second rapport sur les interpellations policières et le profilage racial.

Le chef du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Fady Dagher a rendu visite aux communautés noires du secteur de Saint-Michel le 21 juin pour leur annoncer la mauvaise nouvelle, dans le cadre d’une rencontre du Sommet socioéconomique des jeunes noirs, qui regroupe plus de 50 organismes.

«Les résultats sont très semblables à ce qui existait en 2014, leur a-t-il dit humblement. Il y a eu un peu d’améliorations dans les interpellations policières, mais le profilage racial, la discrimination, les préjugés conscients et inconscients sont encore présents», a-t-il déploré.

Le second rapport d’Armony-Hassaoui-Mulone fait état qu’encore en 2023, les Noirs ont 3,5 fois plus de possibilités que les Blancs de se faire apostropher par un policier dans les rues de Montréal, alors que les Arabes en ont 2,5 fois plus et les Autochtones, jusqu’à 6 fois plus.

La recherche s’est aussi attardée sur le cas des personnes racisées au sein du SPVM. «Ce qu’on ressent selon les témoignages de policiers qui dénoncent du racisme, des stéréotypes et des préjugés, ils disent ne pas sentir qu’ils ont la chance de réussir au SPVM», rapporte Fady Dagher.

Un moratoire? Non, dit le chef

Le rapport propose que le SPVM fasse un examen approfondi des interpellations policières, notamment dans les faits observables. Les chercheurs s’interrogent également sur la contribution de ces enquêtes de routine à la lutte contre la criminalité ou encore son effet sur la sécurité publique. Ils prônent également la mise en place de mesures efficaces qui réduiraient les risques de profilage dans toutes les interventions de la police.

De plus, Armony-Hassaoui-Mulone demandent à ce que le SPVM impose un moratoire sur les interpellations policières, ce qui fait tiquer le chef de la police.

Je vais les suivre, les recommandations, on ne va pas à l’encontre du rapport. Mais la seule chose qui me préoccupe, c’est le moratoire, car cela vient toucher le sentiment de sécurité de la population.

Fady Dagher, directeur du SPVM

«Cela fait en sorte que je ne peux plus aller voir quelqu’un dans un quartier, dans une ruelle où j’ai une problématique d’introductions par effraction. Je vais être franc avec vous, je préfère travailler sur les autres notions», lance M. Dagher, sans détour.

«Je ne suis pas d’accord avec la notion de moratoire, ajoute-t-il. Le travail d’interpellation a des flous, mais il y a la notion de protection du public. On ne peut pas présumer que tout le monde est bon.»

En conférence de presse, le chef de la police a indiqué qu’il ne voulait pas non plus «annoncer une mesure symbolique», en parlant du moratoire, mais plutôt régler le problème. C’est aussi l’avis du sociologue Frédéric Boisrond, qui se dit par ailleurs content de voir ses recommandations, produites en 2022 dans un rapport, être finalement mises en marche.

Les interceptions et les risques d’escalade

À l’instar de Fady Dagher, M. Boisrond évoque la nécessité de réaliser une campagne de sensibilisation auprès des communautés concernées. «Pour moi, c’est capital», ajoute-t-il en entrevue avec Métro. Dans son rapport de 2022, réalisé sous l’administration de Sylvain Caron, le sociologue avait demandé que la question «des faits observables» soit «précisée» afin de ne pas nuire à la Politique d’interpellation.

Mais aussi, il y a toute la question des interceptions policières et le pouvoir discrétionnaire que l’article 636 du Code de la sécurité routière confère à un policier.

Je crains que le prochain drame à Montréal se passe autour d’une interception routière. C’est ce qui se passe aux États-Unis; on voit sur les réseaux sociaux des jeunes qui publient leurs interactions avec les policiers.

Frédéric Boisrond, sociologue et chercher indépendant du SPVM

Une préoccupation partagée par le chef du SPVM. Devant les communautés noires anglophone et francophone, M. Dagher n’a pas caché ses craintes de voir les mêmes événements se produire ici. «J’ai peur qu’il y ait une escalade et qu’on vive des événements comme aux États-Unis, qui n’auraient pas dû avoir lieu si tout le monde comprenait le rôle de chacun.»

Le président du Sommet socioéconomique des jeunes noirs, Édouard Satco, estime tout simplement que l’article 636 n’a pas lieu d’être. «La position du Sommet, c’est que cela doit s’arrêter, point final, dit-il. Est-ce qu’on va attendre un arrêt de de la Cour suprême qui fera en sorte que l’histoire aura changé lorsqu’on n’aura pas le choix?»

Les deux côtés

Sur la question de la sensibilisation comme moyen d’atténuer les tensions, les directrices générales de la Maison d’Haïti et du Bureau de la communauté haïtienne de Montréal (BCHM), respectivement Ruth Pierre-Paul et Marjorie Villefranche, ont rappelé à M. Dagher que la sensibilisation devait se faire des deux côtés.

«Je suis prête à relever le défi avec vous, mais cela ne va pas être facile», a noté Mme Villefranche.

La police a un travail profond à faire. Comment la police étend sa mission sous des prétextes de prévention, la présence de la police dans les écoles, par exemple? Est-ce qu’on est en train de prévenir ou de stigmatiser?

Édouard Staco, président du Sommet socioéconomique des jeunes noirs

Fady Dagher appelle les communautés à la patience, ce qu’elles ne semblent plus avoir. Un militant des causes noires, Neil Armand, lui a même lancé qu’«on aura le temps de mourir». Le chef de la police lui a rétorqué que changer une culture, cela prend du temps et qu’il est là pour s’attaquer au système.

«On a fait des programmes, mais jamais revu le système: revoir les critères de sélection des recrues, revoir les critères de promotion, d’évaluation, comment il est ouvert, comment il communique comment il s’adapte, etc.», argumente le chef du SPVM.

M. Dagher a parlé de son programme Immersion auquel il s’est prêté avec le Service de police de l’agglomération de Longueuil. En 6 ans, fait-il remarquer, il y aura 2000 policiers qui vont rentrer et ils vont tous passer par le programme pendant quatre semaines, à se plonger dans votre vie et comprendre qui vous êtes et comment vous fonctionnez au jour le jour.

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