Natation
Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne 51, direction ouest. Nous sommes mardi, il est 20 h 25.
Il a peut-être 10 ans. Sa mère, la jeune quarantaine. Elle a passé son bras droit autour des épaules de son garçon, qui a les cheveux encore mouillés et qui porte encore autour de son cou ses lunettes de natation. Parce que c’était piscine ce soir. La peau du petit sent encore le chlore, et sa fatigue aussi, se fait sentir.
Après avoir passé une heure dans l’eau en apesanteur, il sent maintenant la lourdeur de la journée peser sur ses paupières. La mère du jeune nageur, qui a elle aussi son rallye du jour dans le corps, laisse échapper un bâillement digne d’une maman lionne engourdie par la chaleur du soleil.
Le fils dépose sa tête sur le bras de sa mère et ferme les yeux un moment. Le roulis de l’autobus le berce à peine. Il flotte encore, mais maintenant, c’est entre l’éveil et le sommeil plutôt que dans l’eau fraîche de la piscine.
Il plonge finalement et perçoit les sons ambiants de l’autobus comme s’il était dans un scaphandre. Tout est en sourdine. Il cale finalement dans un sommeil profond. Il rêve peut-être? À des dauphins, des requins bleus, des pélicans ou des baleines.
À des navires, des ouragans, des naufrages, des tempêtes des cieux fâchés, des pirates armés et des vagues menaçantes.
Peut-être aussi voit-il des îles désertes qu’il devra atteindre, agrippé à un radeau de fortune au beau milieu de l’océan.
Il rêve peut-être qu’il est tout seul au centre de l’immensité. Que tout cet espace est vertigineux. Qu’il ignore où il finira pas accoster. Mais malgré tous ces inconnus, il n’a pas peur. Parce qu’il sait nager.