Pure joie
Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne 80. Direction nord. Samedi. Il est 17 h 40.
Je suis admirative de ceux qui sont organisés, qui, le 11 décembre, ont déjà décoré leur maison et trouvé tous leurs cadeaux. Je m’incline bien bas devant ces mêmes champions olympiques de la fête, toujours équipés en papier d’emballage, en rubans et en choux.
Je suis totalement épatée par leur sens pratique, qui leur dicte d’avoir toujours du papier collant transparent en banque, des cartes de souhaits et une ou deux pensées anonymes pour un oncle ou une voisine oubliés. Chaque année, je me promets d’aller suivre un stage intensif auprès d’eux. De m’inspirer de leur sagesse et de boire leurs paroles comme du petit lait… de poule.
Mais j’ai encore manqué mon coup pour ce Noël et me console, car je ne suis vraiment pas la seule, à en juger par l’autobus qui déborde de citoyens croulant sous le poids de moult paquets. Le bus prend des airs de traîneau surchargé de présents. Seulement ici, l’attelage est composé de pneus d’hiver, le chauffeur n’a pas de barbe blanche et arbore le bleu, et les lutins, c’est-à-dire nous, les usagers, ressemblons davantage à des grincheux exténués qu’à de joyeux farfadets.
Il faut dire qu’il y a de quoi grommeler. Nous sommes trempés, frissonnants et migraineux; sonnés non pas par de jolies clochettes, mais par l’intensité des néons, de la musique trop forte et de la dense faune humaine qui a envahi les centres d’achats.
Nous reprenons notre souffle de peine et de misère quand, à l’arrêt Mont-Royal et avenue du Parc, entre une jolie maman, libre de paquets. Ce qui lui permet de tenir une petite traîne sauvage d’une main et de serrer contre elle un petit.
Ce bébé est tellement heureux! Il rigole encore au souvenir du gros fun qu’il a emmagasiné au cours des dernières heures. Son état est contagieux, et ceux qui, comme moi, ont la chance d’être près de lui ne peuvent détourner le regard de ce moment de joie et de légèreté. Sa mère et lui semblent flotter comme des libellules au cœur de notre équipage surchargé. L’enfant nous prend à témoin en pointant sa petite luge. Et faute de mots, nous gazouille une ritournelle scintillante. Quelque chose qui ressemble à de la pure joie.
Comme celle que nous vous souhaitons de tout cœur et en très grande quantité, en ce temps de fêtes et pour la nouvelle année.
Pierre & Julie
La chronique Hors du commun sera de retour le 14 janvier.