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Des matières dangereuses transitent incognito dans les tunnels

Photo: Yves Provencher/Métro
Stéphanie Mac Farlane - TC Média

Des matières dangereuses interdites circulent régulièrement dans les tunnels de la région de Montréal, a appris TC Media. Voulant s’éviter un long détour, des camionneurs défient le Code de la sécurité routière, mettant du coup la vie du public en péril.

«Les chauffeurs arrêtent à la halte routière sur l’autoroute 40, enlèvent leurs placards, [ces plaques rouges apposées sur les quatre faces d’un poids lourd identifiant le type de matières dangereuses transportées], passent le tunnel [Louis-Hippolyte-La Fontaine] et arrêtent plus loin pour les remettre», raconte Patsy Guérette, contrôleuse routière et agente aux relations publiques du Contrôle routier du Québec (CRQ) en Montérégie.

Au Québec, les matières dangereuses sont interdites dans les tunnels, excepté des quantités limitées d’essence, de chlore et de propane. Une opération de surveillance effectuée au mois de décembre aux abords du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine a permis d’observer qu’en l’espace de quelques heures, trois camionneurs ont circulé avec des matières dangereuses prohibées sur 37 véhicules inspectés.

Le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine n’est pas le seul endroit dans la région de Montréal où des camionneurs font preuve de témérité. «C’est une situation qui peut aussi avoir lieu dans les tunnels Ville-Marie et Viger, indique Patrick Vandal, contrôleur routier et agent aux relations publiques pour le CRQ de Montréal. Est-ce fréquent? Est-ce monnaie courante? Je ne peux vous répondre, mais je sais que ça arrive. Il y a des gens qui ont déjà été pris parce qu’ils n’avaient pas apposé leurs placards.»

En prenant ces raccourcis prohibés, les camionneurs délinquants exposent le public à des dangers importants. «Un incendie dans un tunnel peut être catastrophique, pas nécessairement à cause des flammes, mais à cause de la fumée, rapporte l’agente Guérette. À l’heure de pointe, au volume de véhicules qu’il y a, si les gens ne voient plus rien, c’est fini. C’est hyper dangereux.»

Les pompiers mettent régulièrement à jour leurs plans d’intervention pour les tunnels, en plus de suivre des formations en ce sens. Pour eux, les placards sont d’une réelle importance.

«L’approche est très différente lorsqu’on fait face à un véhicule qui a un placard nous indiquant qu’il transporte des matières dangereuses plutôt qu’un véhicule qui n’en a pas», explique Daniel Lemonde, chef de division au Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil.

«Le placardage est un des huit indices [permettant de connaître la nature d’une intervention], poursuit Alain Chaussé, chef aux opérations, responsable de la formation recherche développement des équipes spécialisées au Service de sécurité incendie de Montréal. Avec un placard, la recherche se fait plus rapidement et on est en mesure de répondre plus rapidement. C’est sûr que le type de réservoir est une indication aussi, mais le placard n’est pas là pour rien. Il est super important.»

Pour décourager ces cowboys de la route, le CRQ, en Montérégie, a mis au point l’opération Rayon X. Son but est de détecter la présence de matières dangereuses prohibées et de punir les coupables. «On utilise notre pouvoir d’inspection sans mandat pour cibler les véhicules qui transportent potentiellement des matières dangereuses, explique Patsy Guérette. Comme il y a des compagnies qui enlèvent leurs placards, on ouvre l’espace de chargement et on peut y trouver des matières dangereuses.»

«On veut créer un effet de crainte chez les transporteurs, ajoute-t-elle. On veut que les transporteurs, même en enlevant leurs placards, aient peur de passer dans le tunnel.»

Le monde municipal inquiet
Depuis la tragédie de Lac-Mégantic et l’approbation du projet d’Enbridge d’inverser son pipeline 9b, la Ville de Montréal est très préoccupée par tous les enjeux qui touchent le transport des matières dangereuses.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a souligné la nécessité pour les municipalités de connaitre les matières dangereuses qui transitent sur leur territoire et d’avoir les règlements nécessaires pour se protéger en cas de catastrophe.

Les autorités montréalaises sont au courant du problème des camionneurs qui transportent des matières dangereuses dans les tunnels de la métropole. C’est l’un des volets de la vaste réflexion sur les transports des matières dangereuses, initiée dans les différents regroupements de villes, à laquelle Montréal participe.

La Ville de Longueuil a, de son côté, déjà demandé au ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, d’intervenir pour assurer une meilleure surveillance aux abords des tunnels de la région de Montréal.

«S’il advenait un accident, le Service d’incendie de l’agglomération [de Longueuil] a une entente d’intervention et un plan d’urgence et est prêt à intervenir dans le cas d’un déversement par exemple avec la collaboration de la Ville de Montréal», a indiqué la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, dans un échange de courriels.

À Boucherville, on qualifie cette situation «d’inquiétante» mais on s’en remet aux autorités compétentes pour pallier à cette problématique.

Des amendes salées
Les amendes pour les délinquants sont salées:

  • Un chauffeur surpris avec des produits prohibés dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine risque un constat d’infraction de 502 $ assorti de 9 points d’inaptitude.
  • De plus, une contravention de 258 $ est remise en l’absence de placards.
  • L’exploitant s’expose aussi à une contravention de 990 $

Les limites de matières dangereuses transportées dans les tunnels
Dans un tunnel, comme Louis-Hippolyte-La Fontaine, il est permis de transporter un maximum de:

  • 30 litres d’essence
  • 500 kg de chlore
  • Deux bonbonnes de propane d’une capacité maximale de 46 litres chacune.

(Source : Contrôle routier du Québec)

Des centaines de constats d’infraction en lien avec les matières dangereuses
À chaque année, les contrôleurs routiers donnent plusieurs centaines de constats d’infraction aux camionneurs qui sillonnent les routes du Québec avec des matières dangereuses. Les infractions concernent le passage dans des tunnels, mais aussi l’emballage des matières dangereuses et leur quantité transportée ainsi que les équipements dont doit être munis les camions.

  • Entre le 1er janvier 2010 et le 29 novembre 2013, 529 constats d’infraction visant des matières dangereuses ont été émis par les contrôleurs routiers de la Montérégie.
  • Pour les régions de Montréal, de Laval, des Laurentides et de Lanaudière, les agents du CRQ ont vérifié 1 269 transports de matières dangereuses en 2012 et 2013. En tout, 408 constats d’infraction ont été émis.
  • Dans l’ensemble du Québec, les constables ont délivré 2 075 billets d’infraction en lien avec des matières dangereuses pour la période comprise entre janvier 2010 et le 13 décembre 2013.

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