Autoroute 13: L’irresponsabilité ministérielle
Ça commence à faire un certain temps, soit plus d’une quinzaine d’années, mais vous souvenez-vous du milliard de dollars disparu au ministère fédéral des Ressources humaines? Évaporé, le milliard.
Médias et partis d’opposition s’étaient emparés de l’affaire à l’époque. La Chambre des communes avait alors des airs de bataille des plaines d’Abraham: tirs groupés contre la ministre responsable, Jane Stewart.
Tous et chacun la tenaient pour responsable du fiasco, bien qu’il n’est certainement pas du ressort du ministre de signer l’ensemble des chèques émis, ni d’autoriser de manière expresse toute subvention accordée. Cela est particulièrement vrai quand il est question d’un ministère aux allures gargantuesques comme celui tenu alors par Stewart. Pour tout dire, la pauvre n’avait alors qu’une seule réponse à opposer aux attaques lancées: «Aucune idée où est passé le milliard.»
Le comble de l’ironie? Stewart n’était même pas responsable dudit ministère lors de l’erreur en question. C’était plutôt son collègue, Pierre Pettigrew, passé alors au Commerce international. En d’autres termes, elle payait le prix d’une faute commise par des fonctionnaires alors sous la gouverne d’un autre ministre.
Équitable ou juste? Pas vraiment, non. Mais c’est la conséquence pratique d’un concept fondamental sur lequel s’assoie notre démocratie: la responsabilité ministérielle. Tu es à la tête d’un ministère qui commet une gaffe? Ta faute. Même si on sait que la réalité est autre. Dans la présente histoire, Pettigrew a accumulé, par la suite, les ministères prestigieux. Stewart? Disparue. À l’instar de «son» milliard.
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Le cafouillage de la dernière tempête en a provoqué une autre: celle des accusations de style «c’est pas moi, c’est lui». Le maire de Montréal a même eu l’outrecuidance de lancer, torse bombé: «L’autoroute 13, ce n’est pas ma responsabilité. Donnez-la-moi, et je vais m’en occuper!» Avant de jouer à qui-pisse-le-plus-loin, monsieur le maire pourrait d’abord s’occuper de ma petite rue. Cinq jours après la tempête, ce serait déjà pas mal. J’habite au 8595, Saint-Dominique. Merci bien.
Le ministre Lessard, décontenancé, participe également au jeu en question : ce n’est pas de sa faute, il… dormait. Et puisqu’il fallait débusquer un responsable, voire un coupable, sa sous-ministre est alors suspendue de ses fonctions. Bon prince, le premier ministre, après avoir offert ses excuses, lance une enquête afin de déterminer les causes du cafouillage. Celle-ci, bien sûr, pourra être utile pour références futures. Mais elle ne change pas le cœur l’affaire.
On sait bien, évidemment, qu’il n’est pas de la responsabilité d’un ministre de diriger les moindres opérations de son ministère en pleine tempête de neige. On ne peut non plus lui en vouloir d’avoir omis de passer la souffleuse, ou de tirer le camion de Monsieur Chose. Ça, c’est la job de son ministère. Celui dont il est responsable. En tout temps. Plate de même.