Marijuana: quelques heureux, nombreux mécontents
OTTAWA — Les projets de loi pour légaliser la marijuana ont répondu à plusieurs questions, mais en laissent d’autres en suspens.
Voici la réaction des partis politiques, d’associations et d’organismes.
Les heureux
CAA-Québec
L’organisme estime que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. «À première vue, c’est une loi qui semble être solide, qui nous rassure dans nos inquiétudes vis-à-vis la sécurité routière», affirme sa porte-parole, Annie Gauthier. Le CAA-Québec espère que le gouvernement donnera davantage de détails sur les fonds qui seront alloués pour le développement d’outils pour les policiers, la sensibilisation et l’éducation des jeunes.
Association des infirmières et infirmiers du Canada
L’approche du gouvernement est équilibrée, à son avis. Elle se réjouit de constater que le gouvernement met l’accent sur la réduction des risques liés à la consommation de marijuana, particulièrement pour les jeunes. Elle considère que les mesures proposées pour limiter le marketing et la promotion des produits du cannabis sont essentielles pour éviter de les banaliser.
Les mécontents
Parti conservateur
Les conservateurs craignent que la légalisation de la marijuana en banalise l’usage. «Justin Trudeau tient aujourd’hui une promesse qu’il a faite aux fumeurs de pot, pas aux enfants des Canadiens», a affirmé le député de Mégantic–L’Érable, Luc Berthold. Il accuse le gouvernement de renvoyer la balle aux provinces et aux municipalités sans préciser quels outils seront mis à la disposition des corps policiers pour appliquer la loi ni préciser les coûts que pourraient encourir les provinces et les municipalités.
«Un désastre! Consommation à 18 ans alors que toute la science dit pas avant 25 ans! Production maison près des enfants? Triste jour Canada!», a écrit son collègue Gérard Deltell sur Twitter.
Centre compassion de Montréal
«Ce n’est pas la légalisation, c’est une nouvelle prohibition», estime le directeur du centre, Marc-Boris St-Maurice. La vérification des antécédents judiciaires pour les gens qui souhaitent se lancer dans la production de cannabis risque d’exclure ceux qui possèdent déjà un casier judiciaire pour possession de cannabis. «C’est pour eux qu’on légalise la marijuana et donc on dit: vous ne pouvez pas en produire si vous êtes un criminel, mais vous êtes un criminel pour une activité qui maintenant n’est plus un crime, mais vous restez quand même des criminels. C’est d’une absurdité complète et totale», a-t-il souligné.
Les réactions mitigées
Nouveau Parti démocratique
La légalisation de la marijuana plaît au NPD, mais le parti veut que le gouvernement aille plus loin en décriminalisant la possession simple de marijuana. Le NPD presse aussi le gouvernement de bonifier les sommes allouées pour la prévention et le traitement de la toxicomanie. «Nous déplorons qu’il y ait seulement 2 millions $ par année qui sont accordés présentement en globalité pour tout ce qui touche les drogues en général», a indiqué la députée de Salaberry—Suroît, Anne Minh-Thu Quach.
Le sénateur Claude Carignan
Il promet d’étudier attentivement le projet de loi sur la légalisation de la marijuana pour s’assurer que le gouvernement n’a «pas seulement bricolé quelque chose pour donner l’impression de remplir une promesse électorale». Ses préoccupations vont de la santé des jeunes aux problèmes que subiront les provinces. Il salue toutefois l’introduction d’un autre projet de loi sur la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue qui reprend une majorité d’éléments qu’il avait lui-même soumis au Sénat l’automne dernier.
Denis Coderre
«Je n’ai pas de problème avec la légalisation, a affirmé le maire de Montréal. Il faut qu’il y ait des conditions. On ne peut pas juste dire on légalise pour légaliser. Il y a des réalités de santé publique.» Il a souligné qu’une conférence fédérale-provinciale sera nécessaire pour clarifier certaines dispositions des projets de loi et discuter des ressources financières qui seront nécessaires pour l’application.
Bloc québécois
La chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, accuse le gouvernement fédéral de balayer les questions les plus complexes et coûteuses entourant la légalisation du cannabis dans la cour du Québec tout en se gardant la plus belle part du gâteau. Elle demande donc à Ottawa de transférer le contrôle des permis de production au Québec. «Ce marché-là est un marché évalué à jusqu’à 10 milliards $, c’est un énorme marché et ce serait juste normal que ce soit le Québec qui puisse contrôler son marché et l’émission des permis.»
Association médicale canadienne
Elle offre sa collaboration à la ministre de la Santé, Jane Philpott, pour s’assurer qu’une «solide approche en santé publique accompagne la décision de légaliser la marijuana». Elle veut insister sur la prévention de la toxicomanie, l’offre de services pour les personnes qui souhaitent cesser leur consommation et des mesures pour accroître la sécurité des utilisateurs. L’association presse également le gouvernement d’éliminer le cadre réglementaire pour la marijuana médicinale.
Fondation Jean-Lapointe
Plusieurs questions concernant la prévention de la consommation de cannabis demeurent en suspens, selon la directrice générale de la fondation, Annie Papageorgiou. «C’est déjà bien, on a déjà un montant, il y a déjà une volonté de faire quelque chose, mais je crois qu’il y a encore du travail à faire pour sentir qu’on a vraiment à coeur la prévention auprès de nos jeunes pour qu’ils comprennent bien les risques reliés à la consommation de cannabis», a-t-elle dit.
Centre de réadaptation en toxicomanie Portage
«On est inquiet, indique la directrice des communications de l’organisme, Seychelle Harding. La légalisation n’arrêtera pas la dépendance, au contraire, ça va peut-être banaliser les impacts de la marijuana.» L’organisme traite annuellement 500 adolescents aux prises avec des problèmes de dépendance, dans la majorité des cas à la marijuana. Il demande que le gouvernement alloue la totalité des taxes qu’il percevra avec la légalisation de la marijuana pour l’élaboration d’une stratégie nationale de prévention et pour financer les centres de réadaptation.