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La manif pro-armes à feu changera de lieu

MONTRÉAL — Devant le tollé suscité par la tenue d’une manifestation contre le registre des armes à feu près du lieu de la tuerie de Polytechnique, à Montréal, les organisateurs ont annoncé mardi, en fin d’après-midi, que leur rassemblement serait déplacé.

Un représentant du groupe «Tous contre un registre» a confirmé dans un message Facebook que le rassemblement changerait d’endroit et que celui-ci serait connu dans moins de 24 heures.

Le groupe avait choisi de se réunir samedi au lieu commémoratif des victimes de la tuerie de Polytechnique, qui a été établi près de l’endroit où est survenue la tuerie du 6 décembre 1989.

L’une des organisatrices de l’événement, Jessie McNicoll, a expliqué en entrevue avec La Presse canadienne que l’objectif en choisissant ce lieu était de «susciter de l’intérêt», tout en admettant qu’ils avaient mal évalué la réaction de la population.

«De toute évidence, la population n’était pas du tout de notre côté. On ne veut pas choquer les gens, on ne veut pas nuire à notre cause, on veut se faire entendre comme propriétaires d’armes à feu», a-t-elle confié.

Mme McNicoll a dit qu’elle comprenait «tout à fait» la réaction émotive de certaines personnes.

«C’est une bonne chose de s’excuser, parce qu’on avait mal mesuré la réaction qu’on allait susciter», a-t-elle indiqué.

Le vice-président du groupe, Guy Morin, a rappelé en entrevue avec le Réseau de l’information (RDI) que l’organisation avait choisi ce lieu comme «symbole», car selon lui, les militants favorables au registre des armes à feu «instrumentalisent» la tuerie de Polytechnique.

Pressé de questions par l’animateur, le vice-président du groupe a fini par s’excuser aux gens «qui auraient été offusqués à ce point-là».

«On n’a pas réussi à se faire entendre au niveau des législations, ça a été une fin de non-recevoir, alors on essaie de se faire entendre dans le débat public mais on ne veut pas choquer les gens inutilement», a conclu Mme McNicoll en entrevue.

Pendant la journée, l’événement a suscité la controverse parmi les citoyens, les politiciens et les familles des victimes de Polytechnique.

Les proches bouleversés

Les proches des victimes y voyaient un manque de sensibilité et un affront à la mémoire des femmes qui ont été assassinées par Marc Lépine le 6 décembre 1989.

«Les gens ont le droit d’exprimer leur inquiétude et ils ont le droit de prendre part au débat, parce que c’est un débat de société. Sauf qu’il y a des endroits pour le faire et il y a des manières pour le faire. C’est très agressif comme moyen de communication de la part de ce groupe-là», a opiné Sylvie Haviernick, dont la soeur, Maud, est l’une des victimes de la tuerie.

«C’est vraiment une forme d’utilisation à mauvais escient. Je pense que c’est vraiment de la provocation, oui, de la provocation ou, du moins, un manque total de respect pour, d’une part, le souvenir de l’événement, et pour les gens qui ont contribué pendant des années à faire en sorte qu’on ait une société qui soit plus libre, mais en même temps avec un contrôle sur la sécurité publique qui est nécessaire», a commenté Mme Haviernick.

Sur Facebook, la page de la manifestation était remplie de messages dénonçant l’initiative.

«Votre manif n’est pas pour les armes à feu, mais pour la violence contre les femmes. Vous me dégoûtez et j’ai hâte de vous le dire en pleine face ce samedi», a déclaré l’une d’elles, Caroline Pelletier.

«Je suis contre le registre des armes à feu, mais sachez que je n’appuierai jamais votre mouvement parce que votre décision d’aller manifester à cet endroit est tout simplement stupide et idiote», a renchéri un autre internaute, Jonathan Valois.

Une contre-manifestation était d’ailleurs prévue au même endroit par l’Association étudiante en études féministes de l’UQAM. Il semble que le rassemblement aura toujours lieu malgré les nouveaux développements.

Despoliticiens outrés

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, s’était montré outré du choix de lieu pour manifester. «C’est plus que d’un mauvais goût; je condamne fermement, fermement, a-t-il lancé. Je trouve ça absolument scandaleux.»

De son côté, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, y a vu «un manque de jugement» de la part des opposants au registre des armes à feu. C’est aussi «un manque de respect inacceptable envers les victimes de cette tragédie et toutes les femmes victimes de violence», a-t-elle commenté sur Twitter.

Le premier ministre Justin Trudeau a parlé d’un «geste inutilement provocateur et cruel».

«Peu importe le débat ou les arguments, il faut d’abord penser aux familles des victimes de Polytechnique. Que leur souvenir ne soit jamais oublié», a-t-il écrit sur Twitter.

La ministre du Patrimoine canadien et députée montréalaise Mélanie Joly a dit qu’elle trouvait la décision des organisateurs «sincèrement révoltante».

«Je ne peux pas croire qu’on puisse penser qu’on va pouvoir faire une manifestation (pro-armes) sur une place commémorative comme celle de la tuerie de Polytechnique. C’est profondément choquant», a-t-elle laissé tomber au parlement.

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