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En français, svp

On dira tout ce qu’on voudra, mais il demeure que le statut juridique du français au Canada a positivement évolué depuis 1982. Victimes des pires injustices au début de la fédération, particulièrement en matière d’éducation, les francophones hors Québec bénéficient dorénavant de quelques droits constitutionnels qui leur permettent d’entretenir un minimum d’espoir. Pas que la situation soit toute rose, évidemment. Pas que les risques d’assimilation soient devenus inexistants. Pas que la lutte soit terminée, bien entendu.

Seulement, la Charte canadienne des droits et libertés a créé un changement de paradigme en faisant de ces mêmes francophones hors Québec des «enfants de la Charte». Ceci signifie que ces gens ont pu tirer profit des droits nouvellement accordés, notamment en les faisant valoir devant les tribunaux. On pense surtout au droit à l’éducation dans la langue de la minorité, qui a permis la construction d’une multitude d’écoles primaires et secondaires ainsi que la création de commissions scolaires exclusivement francophones, gérées et contrôlées par la minorité en question.
Dans la même veine, ceci découlant d’une autre disposition de la Charte destinée à encourager la progression du français à l’extérieur du Québec, la majorité des provinces ont depuis lors adopté une loi sur les services en français qui témoigne, comme son nom l’indique, d’un plus grand respect pour leurs minorités francophones. Tel est le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario et du Manitoba.

Quant à la Saskatchewan et à l’Alberta, elles ont toutes deux, de nos jours, une politique au même effet. Ajoutons à cela que le Nouveau-Brunswick est devenu, toujours depuis 1982, la province la plus bilingue au pays sur le plan institutionnel*.

***

Ironiquement, comme vous l’avez sûrement remarqué, les progrès détaillés ci-dessus ne s’observent en rien à l’échelle fédérale. La raison en est simple : malgré quelques avancées timides, le français accapare, à Ottawa, une portion négligeable de l’énergie et de l’attention. Ironique, dirions-nous.

En effet, si la majorité des provinces ont dû s’engager sur la voie d’un plus grand bilinguisme, certains se seraient attendus à un effort soutenu, dans le même sens, de la part du fédéral. C’est loin, bien loin cependant, d’être le cas. Les appels à l’aide des organismes francophones demeurent sans réponse. Les plans subventionnaires destinés aux provinces? Nettement insuffisants, affirment celles qui doivent assumer les frais de la construction d’infrastructures, par exemple des écoles. La Cour suprême? Toujours possible d’y être nommé sans connaissance suffisante du français, le gouvernement Trudeau refusant d’amender la Loi sur la Cour suprême afin d’y ajouter cette obligation. La raison invoquée? Il faudrait alors une modification constitutionnelle, jugée trop complexe (ce qui est de la poudre aux yeux, l’amendement étant ici nécessaire uniquement pour les questions de «composition» de la cour et non de compétences des juges). Ce gouvernement en est même venu à nommer un commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, qui a eu l’outrecuidance de déclarer que le bilinguisme des juges de la Cour suprême n’est pas «essentiel». Ça promet. Appelons ça une nomination de complaisance.

La dernière affaire? Lors de son allocution afférente à la nomination du Québécois Richard Wagner à la tête de la Cour suprême, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, s’est illustrée par l’unilinguisme intégral de son discours. Quand même. Et qui est son patron, déjà? Le fils du père de la Charte canadienne des droits et libertés et du bilinguisme institutionnel au pays. Enough said.

* J’explore ces question dans mon livre Charte canadienne et droits linguistiques – Pour en finir avec les mythes (PUM, 2017).

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