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Des tarifs sur l'aluminium canadien?

FILE - In this Feb. 28, 2017 file photo, New Commerce Secretary Wilbur Ross speaks in the Vice President's ceremonial office in the Eisenhower Executive Office Building on the White House complex in Washington, during his swearing-in ceremony. Ross said Wednesday, March 8, 2017, that the renegotiation of the North American Free Trade Agreement will last more than a year. (AP Photo/Evan Vucci, File) Photo: The Associated Press
Julien Arsenault, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Une majorité des scénarios envisagés par les États-Unis pour réglementer le commerce de l’aluminium et de l’acier risquent de désavantager le Canada, qui pourrait être frappé de nouvelles taxes à la frontière.

Après le bois d’oeuvre, différents types de papiers et la C Series de Bombardier, la prochaine dispute commerciale canado-américaine pourrait donc tourner autour de ces métaux, d’après les scénarios suggérés vendredi.

Dans les conclusions de son rapport, qui a été remis le mois dernier au président Donald Trump, le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, suggère un bouquet d’options, dont des taxes frontalières.

«L’industrie américaine de l’aluminium tourne à environ 48 pour cent de sa capacité, a-t-il expliqué au cours d’une conférence téléphonique, vendredi. L’objectif est d’atteindre 80 pour cent afin d’assurer la pérennité à long terme.»

M. Ross propose trois options:

— Des tarifs respectifs de 7,7 pour cent et de 24 pour cent sur les exportations d’aluminium et d’acier pour tous les pays.

— Un tarif de 23,6 pour sur les importations d’aluminium en provenance de la Chine, Hong Kong, la Russie, le Venezuela et le Vietnam et une taxe de 53 pour cent visant 12 pays. Dans les deux cas, les exportations des autres pays seraient plafonnées aux niveaux de 2017.

— Un quota pour tous les pays, limitant à 86,7 pour cent du niveau de 2017 la quantité d’aluminium que les pays pourraient exporter. Pour l’acier, ce plafond serait fixé à 63 pour cent.

«Il n’y a pas eu d’importantes progressions au niveau des importations alors je ne crois pas que ce quota serait un problème», a affirmé le secrétaire au Commerce, afin de minimiser l’impact de ces mesures.

Le président Donald Trump devra trancher le 11 avril dans le dossier de l’acier et le 19 avril pour l’aluminium. Rien n’empêche ce dernier d’apporter des modifications, comme exclure le Canada d’éventuelles sanctions.

Le rapport de M. Ross découle d’enquêtes réalisées afin de déterminer si les exportations étrangères d’aluminium et d’acier constituaient une menace pour la sécurité nationale des États-Unis en raison de l’érosion de la production industrielle locale.

L’augmentation de la production étrangère d’acier et d’aluminium, notamment en Chine, a eu un impact sur les prix, ce qui a frappé de plein fouet les producteurs américains.

M. Ross a justifié ces mesures protectionnistes en soulignant notamment que de 2013 à 2016, six alumineries avaient fermé leurs portes et que le niveau d’activité était acceptable dans seulement deux des cinq dernières installations.

Surprise et inquiétudes

Au Québec, actuellement, près de 2,7 millions de tonnes métriques sont produites annuellement par Rio Tinto Alcan (RTA), Alcoa et Aluminerie Alouette, qui exploitent neuf alumineries à travers la province.

Selon l’Institut de la statistique du Québec, la province a exporté en 2016 pour 4,8 milliards $ CAN d’aluminium sous forme brute aux États-Unis.

Après avoir pris connaissance du rapport, le président de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), Jean Simard, n’a pas caché son étonnement de constater qu’il n’y avait aucune exception pour le Canada.

«On peut lire que l’industrie canadienne est importante aux yeux des Américains, a-t-il expliqué au cours d’une entrevue téléphonique. Le rapport est positif envers nous mais on ne se retrouve pas dans les conclusions.»

M. Simard a rappelé qu’en 2017, il y avait un déficit de trois millions de tonnes d’aluminium aux États-Unis en tenant compte de la production locale, canadienne et mexicaine.

À son avis, ces recommandations dévoilées vendredi font grimper l’incertitude d’un cran alors que se poursuivent les négociations visant à renouveler l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

«On nage maintenant dans une profonde incertitude, a dit le président de l’AAC. On ne sait plus vraiment ce qu’il y a devant nous.»

Pour sa part, le président de Rio Tinto Aluminium, Alfredo Barrios, a indiqué par courriel que la multinationale allait prendre connaissance du volumineux rapport de M. Ross ainsi que de ses suggestions.

Néanmoins, Mark Warner, avocat spécialiste du commerce canado-américain de la firme Maaw Law, croit qu’il y a des chances que M. Trump décide de ne pas sévir à l’endroit des producteurs d’aluminium.

Des droits compensatoires et antidumping sont déjà appliqués sur certains produits chinois de l’aluminium et ce pays fait également l’objet de quatre autres enquêtes lancées par le département américain du Commerce.

«Je ne dis pas que M. Trump va choisir cette avenue et laisser ce processus suivre son cours, mais c’est une option», a observé l’avocat au cours d’un entretien téléphonique.

Entre-temps, des voix se sont déjà élevées aux États-Unis pour critiquer le rapport de M. Ross, estimant qu’il pourrait déclencher une guerre commerciale et inciter d’autres pays à répliquer ou à contester les mesures auprès de l’Organisation mondiale du commerce.

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L’industrie de l’aluminium en chiffres:

— Neuf des 10 alumineries du Canada se trouvent au Québec.

— Environ 90 pour cent des 3,2 millions de tonnes produites au Canada émane du Québec.

— Au Québec, industrie de l’aluminium génère 10 000 emplois directs et 20 000 indirects.

— Près de 80 pour cent de la production canadienne est exportée vers les États-Unis.

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