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Violences sexuelles: les victimes désemparées

Photo: Getty Images/iStockphoto

MONTRÉAL — Une nouvelle étude révèle que les victimes de violences sexuelles se sentent toujours désemparées lorsqu’il vient de temps de porter plainte contre leur agresseur et les quelques-unes qui sont allées devant les tribunaux disent aujourd’hui regretter l’expérience.

«C’est vrai qu’ils nous font sentir comme si c’était de notre faute, même le policier. C’est toi qui as ouvert la porte au criminel, c’est toi qui es rentrée avec le soir… C’est comme s’il nous met, comme si c’était notre responsabilité, le comportement de l’autre», a déclaré Louise, l’une des 52 femmes victimes de violences sexuelles qui ont accepté de se confier pour cette recherche exhaustive, d’abord rendue publique par Radio-Canada.

«Ça fait des années que j’y crois plus. La première fois que j’ai cru y croire, on m’a dit que c’était de ma faute. Fait que depuis ce temps-là, le système et moi ne font plus un (…). La police… à 11 ans, tu te fais dire que c’est de ta faute, y’a un problème à quelque part», a renchéri Maryse.

L’étude, signée par plusieurs experts du milieu ainsi que des groupes communautaires spécialisés sur la violence et l’exploitation sexuelle, recommande aux décideurs de mieux former les intervenants du secteur policier et judiciaire pour qu’ils écoutent mieux les victimes et qu’ils leur fournissent toutes les informations nécessaires sur le processus de plainte.

Parmi les 52 femmes qui ont parlé aux chercheurs, 14 n’ont pas porté plainte, 19 ont dénoncé, mais ont vu leur plainte rejetée, puis 19 ont dénoncé, mais sans se rendre au bout du processus judiciaire.

Les chercheurs ont identifié plusieurs raisons pour lesquelles les victimes ont choisi de ne pas dénoncer leur agresseur. La raison la plus souvent évoquée était les doutes qu’avaient les femmes sur le système de justice; elles avaient peur de ne pas être crues et de ne pas être suffisamment protégées dans toutes ces démarches.

Certaines ont aussi exprimé leur crainte de se faire juger par les policiers et les procureurs qui prendront en charge leur dossier.

Insatisfaites du processus judiciaire

Le portrait est loin d’être rose pour celles qui décident de porter plainte, selon les témoignages recueillis. Les victimes se heurtent aux préjugés, aux sentiments de culpabilité que leur font ressentir certains intervenants et aux longs délais du système judiciaire.

«Le système de justice dans lequel on est, je trouve beaucoup qu’il protège plus le criminel que la victime elle-même. Pis je trouve que la victime elle-même n’a pas de ressources tant que ça», a déclaré Maryse.

D’ailleurs, selon l’étude, 44 pour cent des personnes qui avaient porté plainte étaient très insatisfaites du processus judiciaire.

«Il est préoccupant de constater que même les femmes qui ont déclaré être généralement satisfaites de leur parcours à travers le processus judiciaire ont affirmé qu’elles ne recommenceraient pas la démarche si c’était à refaire», est-il écrit dans les conclusions de l’étude.

Les chercheurs recommandent donc aux décideurs de mieux former les intervenants qui s’adressent aux victimes, pour que celles-ci se sentent mieux écoutées et qu’elles puissent «faire un choix réellement éclairé quant aux suites à donner à leurs démarches en vue de mettre fin à la violence vécue».

Quant au système judiciaire, les chercheurs recommandent de mieux informer les victimes sur leurs droits et de mieux les protéger.

«De manière complémentaire, il peut être envisagé que les policiers-ères soient accompagnés-es par des intervenants-es sociaux-ales, autant lorsqu’ils-elles ont à répondre à un événement de violence et que pour accueillir la plainte», ajoute-t-on.

Le DPCP veut rassurer la population

Dans une déclaration écrite transmise par courriel, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a dit «tout mettre en oeuvre» pour répondre aux besoins des victimes.

Il ajoute que l’étude en question ne comprend qu’un «très petit échantillonnage», soulignant qu’il autorise près de 3000 dossiers de violences sexuelles et plus de 10 000 dossiers de violence conjugale par année.

«Heureusement, l’étude dans sa conclusion parle d’une seconde phase de recherche et d’action et les auteurs souhaitent impliquer concrètement les intervenants terrains et les acteurs clés des milieux policier et judiciaire. Il aurait été souhaitable que cela soit fait avant, mais sachez que si une telle phase était mise en oeuvre, vous pouvez compter sur la participation du DPCP», a-t-il conclu.

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